REJJIE SNOW - DEAR ANNIE [CHRONIQUE]

REJJIE SNOW – DEAR ANNIE [CHRONIQUE]

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Dear AnnieNote

Album : Dear Annie
Artiste : Rejjie Snow
Sortie : 16/02/2018
TOP TRACK : The Ends

 

2013, Rejovich, découverte d’un rappeur atypique originaire de Dublin, une voix grave et charismatique sur un son brumeux et jazzy, 5 tracks auront suffi à marquer les esprits et à générer une attente presque irrationnelle autour de ce diamant brut irlandais, il aura fallu attendre autant d’années pour en voir l’éclat. Entre temps quelques très bons morceaux à droite à gauche, un nouvel EP de haut vol, The Moon & You, et nous voilà enfin en compagnie de Rejjie Snow et Annie.

Une pochette bien clichée avec une petite fille rousse dans un jardin, oui on est à Dublin ! Le second degré fait clairement partie de l’univers de Rejjie Snow, à l’image de ces interludes loufoques qui rythment l’album, des échanges entre un présentateur qui en fait des tonnes face à un Rejjie Snow blasé.
Fan de N.E.R.D., Tyler, The Creator, George Michael ou encore MF Doom, de père nigérien et de mère jamaïcaine, pote de King Krule, il vient de Dublin et adore la France, les femmes et se bat contre le racisme… Inclassable, le rappeur de 23 ans n’aime de toute façon pas les étiquettes et c’est la force de ce 1er opus.
On est face à un OVNI, frais et moderne mais vintage et kitch à souhait, tantôt ensoleillé, tantôt pluvieux, on passe d’une ambiance tamisée au dancefloor d’un club de Dublin.

Rejjie Snow réussit l’exploit de faire quelque chose de nouveau en abordant le sujet le moins original de la musique – mais le plus intéressant de la vie -, l’amour. Les fantômes de ses relations tumultueuses hantent l’album à travers les voix des muses Milena Leblanc, Caroline Smith, Dana Williams et Anna of the North. Cette douceur féminine vient contraster ce timbre grave de Rejjie Snow; légèrement plus suave et rassurante que celle de Tyler, The Creator, cette voix si particulière apporte de la chaleur, de la rondeur mais aussi de la puissance et quelque chose d’assez sombre, ajoutes-y une dose d’humour noir, de pessimiste, un soupçon de romantisme, un style vintage et ça donne un résultat qui détonne complètement dans le paysage rap actuel.

Musicalement on est aussi très loin de ce qui se fait aux Etats-Unis, je retrouve cet univers candide et poétique que j’avais tant apprécié dans Rejovich. Les quelques producteurs qui travaillent avec des rappeurs US semblent triés sur le volet, on n’est pas surpris de voir au dos de la pochette les noms de Cam’o Bi, Kaytranada et Rahki qui a dernièrement travaillé sur To Pimp A Butterfly.
L’ensemble sonne très organique et flirte avec le jazz-rap, s’inspire du future bounce et même de la chanson française ! L’ambiance lounge et sophistiquée risque de cartonner chez les hypsters parisiens, la ville de l’amour si chère à Rejjie Snow est d’ailleurs omniprésente, dans les lyrics évidemment, à la production puisque le parisien Lewis Ofman est responsable de 6 tracks mais aussi et surtout dans deux morceaux aux refrains en français qui auraient certainement plu à Serge Gainsbourg !

Ne vous fiez pas à l’emballage édulcoré, l’intérieur est piquant et corrosif, les lyrics parfois trash de Rejjie Snow forment un contraste fascinant avec la douceur de la musique et permettent au projet de ne pas tomber dans une – fausse – légèreté.
La chambre 27, âge symbolique de la mort de plusieurs grandes figures de la musique, semble être un enfer de solitude dont la seule échappatoire est le suicide, le dépressif The Rain nous donne l’impression de regarder par la fenêtre la pluie tomber sans espérer la moindre éclaircie quand le vaporeux The Ends et ce synthé traumatisant nous évoquent un ride nocturne dont l’issue ne peut être que fatale.

Cette plume incisive et cette diversité musicale nous accrochent du début à la fin malgré la longueur du projet, on ne zappe aucune track, les tempos et les ambiances sont variés et les producteurs ont su rendre l’ensemble très cohérent, les interludes rythment bien l’histoire d’amour qui tourne mal entre Rejjie et Annie, tout comme les refrains chantés, nombreux mais tous très réussis, ils participent à l’esthétique du projet et ne sont jamais là par pur intérêt commercial.

C’est la vraie force de Rejjie Snow et, je pense, des artistes qui marquent la musique en général, ils ne suivent pas les trends mais les créent, si tu n’avais aucune idée de ce qu’était le rap irlandais, Dear Annie est la réponse.

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