BAS – NIRVANA [CLIP]

BAS ET LA VISION DREAMVILLE [INTERVIEW]


INTERVIEW DE BAS

Sur les traces de son mentor, Bas a sorti en début d’année son 2ème album, le très réussi « Too High To Riot », se démarquant toujours par ce son aérien et mélancolique coloré de multiples influences. Le MC de Dreamville est revenu avec nous sur sa vie parisienne, sa rencontre avec J. Cole, l’évolution de son état d’esprit depuis Last Winter, son process créatif ou encore la « vision » Dreamville, basée sur la qualité et non le buzz.

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Comment a été ta vie en France ?

J’ai quitté la France à 8 ans, j’étais en France jusqu’à 2 ans puis on est allé au Qatar pendant 3 ans et je suis revenu en France de 5 à 8 ans, ce sont évidemment les années dont je me souviens le plus.
Je me souviens de l’école, de la boulangerie, qu’est-ce que c’était délicieux ! Je me souviens des bonbons, du chocolat, je me souviens de plein de trucs mec… Je me souviens des parties de basket à Beaugrenelle avec mes potes, on habitait juste à côté. Je me souviens des balades avec mon père. Il y a beaucoup de choses qui me reviennent, évidemment les Champs Elysées et tous les endroits à visiter. Je ne parle pas bien français mais je le comprends plutôt bien.
Je me souviens de l’école, les repas à l’école étaient vraiment bons, bien meilleurs qu’aux Etats-Unis !
En rentrant aux Etats-Unis je me suis dit : «  c’est ça qu’ils nous donnent à manger ? C’est horrible ! »

Est-ce qu’un souvenir en particulier t’a marqué ?

Oui, c’est une des choses que j’ai réalisées très tôt, que l’éducation ici était bien meilleure parce que les notions de Maths que je voyais en CE2, je n’ai commencé à les voir qu’en CM2 à New York, même à cet âge je m’en rendais compte : « attendez, vous n’avez toujours pas vu ça ?!! »
Même en ce qui concerne l’écriture, j’ai appris à écrire ici en CP, c’est très tôt. Aux Etats-Unis, nous n’avons pas commencé à écrire avant le CM2. Quand j’ai bougé à New York, j’étais jeune, maintenant je comprends combien l’éducation était mieux en France et comment le système éducatif fonctionne mais déjà à cet âge je me souviens que j’avais l’impression d’être en avance sur les autres.

Même si tu étais jeune, cette expérience a-t-elle eu une influence sur ta musique ?

Oui à 100%, par exemple certains des producteurs avec qui je travaille sont français.
J’ai 4 grands frères et sœurs donc ils m’ont fait écouter pas mal de musique mais je me souviens aussi que je regardais souvent Interstella 5555 sur Cartoon Network et je suis tombé amoureux de la chanson du dessin animé, c’est ça qui m’a fait écouter de la French house et des sons de ce style.
Donc ouai bien sûr, je pense que ça a eu un vrai effet sur mes goûts musicaux aujourd’hui et mes choix de beats sont différents de chez la plupart des autres rappeurs, c’est plus large et ça emprunte des influences à la musique européenne, je travaille aussi avec des personnes de tous horizons… C’est une question d’équilibre, ça peut être inspiré de la French house puis on y ajoute des drums et des hi-hats trap et toutes ces choses qui rendent la musique plus accessible pour ceux qui n’écoutent pas ce style musical.

Tu es fan du PSG, n’est-ce pas ?

Ouai, ouai, c’est ma team !

Tu penses qu’ils ont une chance de gagner la Ligue des Champions cette année ?

Mec, hum… est-ce que Cavani est chaud ? Je n’ai pas trop suivi ces derniers temps, j’étais un peu inquiet…

Cavani est bon en ce moment !
Il est bon ? Ok, parce que tu sais quand Ibra est parti, je me suis demandé qui allait le remplacer ? Je n’ai pas pu trop suivre cette année mais… évidemment avec Barcelone en Ligue des Champions, c’est difficile d’imaginer qu’on peut les battre… PSG est mon équipe préférée, Man City a l’air bien en ce moment aussi, tout comme Guardiola, je crois qu’ils ont battu Barcelone il y a quelques semaines, n’est-ce pas ?
Donc ça va être chaud, mais je supporterai toujours le PSG, je les supporterai toujours mais ils se sont fait fumer l’année dernière ! Je m’en souviens comme si c’était hier… c’était David Luis quand Suarez leur a mis la misère ? Oh mon dieu, c’était si douloureux à regarder ! Il n’avait pas besoin de nous la mettre comme ça mec !! Pas de cette façon ! Malgré tout je continuerai à les supporter.

Tu as passé les deux dernières années en tournée, tu as connu une certaine célébrité mais aussi des problèmes personnels, comment ton état d’esprit a évolué depuis ton dernier album Last Winter ?

Je pense que je suis plus dans l’introspection dans mon dernier album, Last Winter était le début, je commençais à vivre du rap et à bénéficier des avantages de cette vie et du luxe que tu peux t’offrir, c’est un peu comme un plongeon la tête la première dans une nouvelle vie, c’est fun, excitant et tout est nouveau.
Too High To Riot représente l’esprit de révolte… Tout ce qui était nouveau ne l’est plus et tu réalises que le temps continue de s’écouler et que tout le reste, tout ce qui va mal, que tu oublies ou que tu négliges, est toujours bien là. Dans Too High To Riot j’essaie de prendre conscience de toutes ces choses et de sortir de cette bulle, ce conte de fée, pour donner plus d’importance et d’attention aux vrais problèmes dans ma vie et même dans la société en général.

Et ça permet aux gens de s’identifier à ta musique, ils vivent les même choses.

Oui, exactement, plus tu es vulnérable plus tu t’ouvres aux gens… c’est quelque chose que je n’étais pas capable de faire aussi bien sur Last Winter, principalement parce que je n’avais pas assez confiance en moi, je pensais trop : ok, mes fans veulent ça, je vais leur donner ça…
Avant Too High To Riot, j’ai été en tournée, j’ai fait le plein de confiance, j’ai vu des gens chanter mes chansons par cœur et là tu te dis : ok, j’ai une connexion particulière avec eux, je peux m’ouvrir, être plus honnête et plus vulnérable. C’est ce que j’ai réussi à faire avec Too High To Riot, l’effet sur ma carrière est incroyable, sur mes fans et via le respect que je reçois des autres artistes. C’est d’une certaine manière une leçon, j’avais le sentiment que c’était un pari au début mais au final ça a payé au-delà de mes espérances, c’était vraiment nécessaire.

Tu évoquais plus tôt ton départ de Paris pour le Queens, quartier connu pour être un bastion du rap et des lyrics, quel rappeur de NY t’a le plus influencé ?

Je dirais Nas, Jay-Z et Fifty… et BIG ! Je ne peux pas oublier Biggie et Big Pun. Ce serait mon top 5 de New-York. Je pense qu’ils ont tous apporté quelque chose de différent, Nas donne vie aux mots et te fait vivre ses histoires comme si tu venais de Queensbridge ! Hov est le champion du rap, il est forcément inspirant. Biggie est juste le mec le plus charismatique avec un mic, c’est quelque chose que j’adore chez lui, j’essaie et j’aimerai pouvoir, comme quand Biggie rap, te donner l’impression que je suis en train de te parler, c’est comme si tu avais une conversation avec lui mais que tu savais aussi que c’était le nigga le plus cool de la pièce, tu vois ?  Ils ont tous quelque chose que j’admire.

Ce qui est étonnant c’est que tu représentes vraiment New-York mais en même temps ta musique ne sonne pas typiquement New York, comment expliques-tu ce paradoxe ?

Je me vois comme un mélange d’influences de différents pays parce que bien que j’ai été élevé à New York, une partie de mon histoire s’est passée à Paris, au Soudan… J’ai voyagé toute ma vie et j’ai aussi été influencé par mes frères et sœurs. Mais je pense que le problème du rap new-yorkais c’est qu’il est censé sonner new-yorkais. Comme si tu n’avais pas le droit d’expérimenter, tu vois ce que je veux dire ? Peu importe le type de son, je parle de New York, je viens de New York, donc peu importe ce que je fais, c’est du rap de New York ! Et en fait c’est ce dont New York a le plus besoin, un son frais qui va inspirer et influencer le reste du game au lieu du son que tout le monde aime mais connait déjà, tu vois ? Je ne veux pas trop critiquer parce que je suis toujours un fan de ce son comme nous tous mais je ne ressens pas beaucoup d’évolution, de nouveauté, la musique doit constamment évoluer. Vas à Atlanta ou même Toronto, la plupart des artistes proposent un son nouveau et innovant, c’est comme ça qu’ils sont devenus la référence du game donc je pense que c’est probablement ce qu’il manque à New York, tu ne peux pas te contenter d’essayer de faire du New York rap, tu dois créer quelque chose de nouveau.

Tu as l’impression que ça revient ?

Oui, je pense qu’il y a beaucoup de bons artistes venant de NY, je soutiendrai n’importe quel artiste venant de NY.

Quel est ton morceau préféré de New-York en ce moment ?

J’aime le morceau de Young M.A., je la kiffe vraiment, on ne la crédite pas assez pour ses qualités de rappeuse, comme tout le monde je l’ai découverte avec le son « Ooouu » mais j’ai aussi vu certains de ses freestyles à la radio…

Le freestyle sur Quite Storm ?

Yo, woouuh ! Elle a tout pété ! Du lourd, mec ! C’est bien de voir New York trouver cet équilibre entre rester des lyricistes mais aussi faire ce genre de chansons.

En parlant de tes influences musicales, comment choisis-tu tes beats ?

Je dirais… J’aime la vibe, l’émotion, tu vois ? J’aime que le beat oriente le texte. J’ai une chanson qui s’appelle “Live For” produite par Ogee Handz, un producteur parisien, j’y parle de mon oncle décédé, j’ai décidé d’écrire ce texte sur ce beat en particulier. Il a créé le beat chez moi à L.A. et je me suis posé et j’ai décidé d’écrire cette chanson parce que l’émotion était dans la musique, tu comprends ? Tu n’as pas besoin de chercher un moyen d’adresser ton message quand la musique le fait pour chaque mot, donc ça dépend surtout de l’ambiance. Même « Clouds Never Get Old », une autre chanson produite par Ogee, c’est très bouncy et ça ressemble à un son de dragueur, un son smooth pour draguer donc je vais me mettre à parler des filles que j’ai rencontrées pendant ma tournée et dans ma vie  ces dernières années. Donc je recherche principalement une émotion, l’émotion doit être dans le beat.

Donc tu échanges avec le producteur pendant le processus créatif, est-ce que tu participes également à la production concrète du morceau ?

Oui bien sûr, il y a par exemple la chanson « Penthouse » sur mon album que Ron [Gilmore] a produite mais c’est moi qui ait trouvé le sample, j’aime souvent me ramener avec des samples, tu vois ? Comme sur « Lit », quand nous avons fait « Lit » moi et Ced’ [Cedric Brown] j’avais le sample, c’était un sample d’un son de Miguel. Et ensuite évidemment, tu veux laisser les producteurs exprimer leur créativité mais je sais que si mon sample y est alors la base du son y est et l’émotion que je recherche est déjà là donc oui, il y a quelques sons pour lesquels je choisis les samples et ensuite bien sûr quand chaque chanson est enregistrée, quand on est en phase de post-production, je dis à Ron de jouer de la basse et par exemple de jouer quelque chose qui groove un peu plus et il jouera quelque chose de plus groovy ou pourquoi pas d’ajouter un peu de rondeur ici ou n’importe quoi d’autre, je suis vraiment impliqué dans le processus de production.

Préfères-tu travailler avec des producteurs de ta team ou de l’extérieur ?

Je pense que je peux collaborer avec n’importe qui, je travaille avec des producteurs de ma team principalement parce que j’ai le sentiment que nous n’avons pas encore atteint notre potentiel maximum. A chaque projet que nous faisons, je vois de l’amélioration et je suis notre évolution en équipe et c’est assez excitant parce que la plupart de mes producteurs préférés… tu vois, c’est du 50/50 entre la production et le song writing, donc tu veux… plus tu travailles avec les gens, plus l’alchimie est forte et moins les choses ont besoin d’être dites.
Prend par exemple The Hics, je les ai rencontrés quand je taffais sur « Too High To Riot » et on a enregistré deux chansons, la première c’était le soir où on s’est rencontré, la deuxième chanson c’était “Matches” et il y avait déjà un monde entre “Ricochet” et “Matches”, donc je sais déjà que la prochaine chanson qu’on va faire ou la prochaine fois qu’on va s’enfermer en studio, ça sera encore meilleur parce que maintenant on est à l’aise ensemble en tant qu’artistes et potes. Je peux leur dire tout ce que je pense, les problèmes que j’ai et ils vont s’en inspirer pour créer à partir de ça.


C’est forcément plus compliqué avec les gens que tu ne connais pas, évidemment c’est encore plus compliqué de leur dire que tu n’aimes pas cette idée, tu vois ce que je veux dire ?
C’est beaucoup plus simple quand tu construis cette alchimie, il n’y a plus d’égo à froisser, tu peux te dire quand tu n’aimes pas quelque chose, c’est le cas quand je travaille avec Cole, avec Cozz ou avec n’importe qui du label, même niveau rap, on se connait assez bien pour se dire : “Yo, tu sais que j’aime ses 1ères 12 bars, les 4 dernières tu peux faire mieux, ouai, réécris-moi ces 4 dernières !” et personne ne le prend mal car tout le monde est sur la même longueur d’onde, tu captes ? L’égo ne rentre pas en compte, nous voulons juste faire la meilleure musique possible.
Dans l’autres sens je t’en voudrais si tu n’es pas honnête avec moi, ne me laisse pas sortir de la merde ! Donc ouai, c’est pour ça que nous restons surtout entre nous, l’alchimie est tellement bonne.

Si des français qui lisent cette interview veulent t’envoyer des beats, à qui peuvent-ils les envoyer ?

Ils peuvent l’envoyer à d@dreamville.com, c’est mon gars sûr, c’est Derek, c’est D, il ne fait pas de musique mais il sait ce que j’aime, il connaît le son que j’aime, je le connais depuis le lycée et on écoute la même musique donc il est comme le premier boss ! Tu dois passer le premier niveau !

Donc tu as rencontré J. Cole à l’université c’est ça ?

Ouai, il allait à l’école avec mon frère, ils allaient à l’université St. John, qui est juste à côté de chez moi donc on avait des potes en commun, on jouait au basket dans le même parc, j’organisais pas mal de soirées à l’époque et on s’y croisait, je ne rappais pas à l’époque, nous étions juste potes.

Donc vous êtes des potes depuis un bail, qu’est-ce que ça fait de taffer avec ses amis ? Parce que parfois ça peut être difficile…

Ouai ! Je ne dirai pas que ça n’a jamais été difficile, je pense qu’au début, nous nous posions tous des questions : “merde, est-ce qu’on aime la musique de Bas parce qu’il est notre pote ou est-il vraiment bon ?”, pour moi c’était : “est-ce que je suis bon ? Ou est-ce qu’il kiffe parce que je suis leur pote ?”.
Mais ensuite, à peu près au moment où j’ai sorti ma deuxième mixtape, “Quarter Water Raised Me Vol. 2”, Cole venait de finir “Born Sinner”, il ne l’avait pas encore sorti mais il jouait l’album pour certaines personnes et il l’a notamment fait écouter à Salaam Remi puis il lui a parlé de moi : “je taffe avec ce jeune du Queens, je voudrais te faire écouter quelques-unes de ses chansons” et il lui a fait écouter une partie de ma deuxième mixtape. Salaam Remi, c’est le gars avec qui je voulais signer en premier, même avant Cole ! Pour Cole c’était plus en mode : « t’es mon pote, je t’emmène avec toi, si tu as des opportunités, saisis-les ! » mais c’était vraiment la première fois que quelqu’un que nous respections d’extérieur à notre team nous disais : ces gars sont bons, je les soutiens à fond. C’est ce qui a vraiment changé les choses.

As-tu collaboré avec lui ?

Non, j’en avais envie, je vais le faire, il est dope, je n’ai pas encore vraiment eu le temps de taffer avec des mecs extérieurs au label principalement parce que j’enregistre beaucoup sur la route et tu connais les mecs en tournée avec moi, c’est Cedric et Ron, donc c’est plus facile !

Ouai sinon tu dois prendre le temps d’aller à Miami…

C’est vrai, mais je veux le faire une fois que j’aurai fini de promouvoir cet album avec la tournée, j’aurai du temps pour enfin collaborer avec les personnes qui m’inspirent vraiment.

Par qui commencerais-tu ?

Mec, j’ai une liste sur mon téléphone ! J’avais déjà une wish liste pour cet album, beaucoup de choses pas très connues, laisse-moi voir ce que j’ai…
Oh, il y a ce producteur de Copenhague (?), je le kiffe, je veux taffer avec Tricky Stewart, j’aime beaucoup ce qu’il fait, Clams Casino, Penthouse Penthouse, Shlomo, je note tous les trucs que j’aime.

C’est étonnant car c’est très varié, c’est vraiment représentatif de ta personnalité et de ta musique, tu es ouvert à différents genres musicaux, Salaam Remi a d’ailleurs produit différents genres…

Exactement, en fait quand je note les noms des personnes qui m’inspirent, j’attends juste d’avoir assez de temps : « OK, ces deux prochains mois, je vais une semaine ici, une semaine ici, une semaine ici… »

Es-tu impatient de pouvoir le faire ?

Ouai, je n’ai jamais vraiment pu, mais maintenant A. J’ai plus de ressources, B. Les autres artistes me respectent plus, ce qui est important car tu ne veux pas travailler avec des gens qui ne t’inspirent pas et inversement. Je ne veux pas qu’un producteur se ramène à ma session en mode “je dois faire cette session avec ce gars parce que mon label me l’a demandé” et pareil pour moi, je dois kiffer ce qu’il fait. Et même s’ils ne connaissent pas ma musique, ils vont se dire A. c’est du lourd et B. ce gars est actif, il sort des sons, il fait des tournées, ce n’est pas une perte de temps.
J’ai plus confiance maintenant, il n’y a personne que je pense ne pas pouvoir approcher, je ne suis plus comme un fan qui veut bosser avec son idole alors qu’avant je voulais plus prouver ma valeur et montrer que je pouvais réussir par moi-même, tu vois ce que je veux dire ? Maintenant j’ai plus l’impression de pouvoir aborder les artistes d’égal à égal.

J. Cole est devenu une des plus grosses stars du rap, Dreamville attire forcément l’attention, est-ce que tu ressens de la pression ou est-ce que ça t’inspire ?

Je suis là depuis le début de Dreamville, donc je pense que la beauté de cette situation c’est aussi de pouvoir travailler avec un mec comme Cole qui a signé son contrat avec la maison de disque il y a seulement 7 ans. Quand j’ai signé mon deal avec Interscope, j’ai rencontré le staff avec Ib [Ibrahim Hamad] et Cole pour leur expliquer la vision Dreamville. Il me l’a dit des millions de fois et il leur a dit : « nous ne jouons pas au jeu des singles radio, Dreamville ce n’est pas ça, nous voulons que nos artistes créent des albums qui vont toucher les gens, puis qu’ils partent en tournée, ça prendra forcément plus de temps mais ça durera aussi plus longtemps ! ».
Il le sait parce que quand « Sideline Story » allait sortir, il leur disait : « nous pensons que nous allons vendre 55 000 copies » puis nous sommes partis en tournée pendant 2 ans et nous avons vu plus de 55 000 fans, nous savons que nous avons touché plus de gens que ça mais ça ne se voit pas forcément dans les charts, ça ne s’entend pas à la radio que tu as touché tous ces gens et que ta musique parle à leurs cœurs et marque leurs esprits, il y a une connexion plus profonde que juste ce qui fait le buzz en boîte, c’est ce qui les pousse à te soutenir, tu comprends ? C’est presque comme ne pas voter, tu vois ce que je veux dire ?
Et ensuite l’album est sorti et s’est écoulé à plus de 200 000 exemplaires la première semaine et tout le monde se demandait comment ça avait pu arriver, tout le monde était choqué sauf nous, voilà c’est notre vision des choses.
Je me souviens quand j’ai sorti « Last Winter », c’était la première fois que je vendais quelque chose que j’avais fait, j’étais allé en tournée pendant un moment, j’allais le sortir et je me souviens qu’Interscope m’a dit : « idéalement, nous voudrions que ce soit ton premier album mais nous savons que tu ne veux pas attendre 2ans qu’on te fasse connaître donc vendons le quand même comme un album au lieu de le sortir en mixtape gratuitement, ça donnera du cachet à ton projet et ça te permettra d’être présent sur le marché. »
Et je me souviens qu’ils m’ont dit « on ne veut pas que tu te décourage, nous pensons que ça vendra autour de 500 exemplaires environ », je crois que la première semaine on a vendu à peu près 4 000 copies !
On s’en foutait des chiffres mais ça représente la force de notre marque, il n’y a pas d’autre indicateur pour ça, c’est difficile de voir ton impacte. Quand “Too High To Riot” est sorti on a sold out un paquet de concerts, j’ai reçu des appels de promoteurs qui m’ont avoué qu’il y avait des artistes plus connus qu’ils payaient plus cher qui n’arrivaient pas à remplir les salles que j’ai remplies !
Donc on recevait ces appels et ces emails pendant la tournée donc les choses marchaient comme prévu. Tu gardes la foi, tu restes patient, tu continues de travailler et ça va marcher. J’ai eu la chance de le voir avec Cole, je suis sûr que pour lui c’était beaucoup plus incertain parce qu’il a ouvert les portes pour les autres artistes du label. Tout le monde chez Dreamville a ensuite adopté cette philosophie et cette stratégie à long terme, on veut sortir des albums, pas des singles, si tu sors un tube, il viendront peut-être t’écouter 15 minutes en boîte mais ils ne voudront pas te voir pendant une heure, ils veulent juste écouter une chanson alors que si tu paries sur la durée tu verras qu’ils connaîtront tous les mots de ton album. C’est ça qu’on veut parce que ça veut dire qu’ils ont une connexion avec ta musique, c’est la soundtrack de leurs vies, c’est ce qu’ils écoutent du début à la fin.
C’est pour ça que je ne sens pas de pression, parce que je sais que mon équipe est sur la même longueur d’onde, Cole ne me dit pas : « Où est le single ? Sors-moi un hit ! ». Il n’y a pas de ça ici, quand je chercherai trop à sortir un hit, c’est lui qui me raisonnera : « Bro, fais-moi confiance, ça va arriver, focalise toi sur ta fan base, tu ne dois te soucier que de ça, continue de construire ton audience en écoutant ce que veulent tes fans et ensuite tu arriveras à un tel point que les radios ne pourront plus t’ignorer, tu vois ce que je veux dire ? Ils n’auront pas le choix que de te jouer. »
Regarde un mec comme Chance [The Rapper], il est indépendant mais les radios jouent sa musique parce qu’il s’est construit une audience solide, aujourd’hui ses fans font tellement de bruit que tu dois le respecter, peu importe qui tu es.
Internet a fait bouger les choses, tu n’es plus l’esclave des radios, elles ne décident plus de ton sort, pareil pour les magazines, tu peux toucher tes fans directement et ils vont venir te supporter.

Dreamville est souvent comparé à TDE et les artistes de chaque camp travaillent souvent ensemble, tu as pas mal travaillé avec Ab-Soul, est-ce que tu as d’autres projets ou chansons dans les tuyaux avec lui ou d’autres artistes de TDE ?

On vient de sortir « Braille » moi et Soul, je suis sûr qu’on va continuer de taffer ensemble, je suis souvent en Californie donc je vois mes potes de TDE très souvent, ce sont de bon gars, je viens de rencontrer Isaiah Rashad à cette soirée, c’est vraiment un bon gars, on a échangé nos numéros, j’aime son nouvel album donc on devrait certainement travailler ensemble à l’avenir.
Evidemment c’est Ali qui a mixé mon album et je suis fan de ce qu’ils font, ce sont des artistes éclairés.

Tu as travaillé avec Tae Beast ?

Non.

Tu devrais travailler avec lui !

Ouai ouai, il faut, je vais l’ajouter à ma liste tout de suite !

Dernière question : avec quel artiste rêverais-tu de collaborer, vivant ou mort ?

…….Bob Marley.
J’étais à ce festival au Québec il y a deux ans, Snoop Dogg était la tête d’affiche et à la fin du concert ses musiciens ont joué un medley de Bob Marley, j’étais au milieu de 50 000 personnes et l’énergie était si positive mec, je me suis dit que ce mec avait réussi à faire de la musique très consciente et engagée tout en restant fun, ce qui est très difficile, tu vois ?
Chaque fois que la musique est profonde, ça a tendance à plomber l’ambiance, peu importe combien on aime la musique soulful, voilà pourquoi j’ai trouvé ça incroyable de voir 50 000 personnes sauter et crier “One Love” et tous ces messages vraiment puissants.
Je dirai définitivement Bob, mec !

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