BROTHER ALI - ALL THE BEAUTY IN THIS WHOLE LIFE [CHRONIQUE]

BROTHER ALI – ALL THE BEAUTY IN THIS WHOLE LIFE [CHRONIQUE]

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All The Beauty In This Whole LifeNote

LA LUMIÈRE D’ALI

Le combat de Brother Ali est bien plus noble qu’une quelconque réussite commerciale, comme Gandhi, Bob Marley ou son homonyme Mohamed Ali, il veut réussir à toucher le cœur des gens, changer les mentalités et transmettre des idéaux de paix et d’amour tout en dénonçant les injustices.


Sortie : 5 mai 2017

TOP TRACK : Pray For Me

Brother Ali est enfin de retour et franchement on en avait bien besoin.
Devenu un des rappeurs majeurs de l’underground grâce à une discographie très solide et un paquet de classiques comme Take Me Home, Forrest Whitiker ou le bouillant Uncle Sam Goddamn qui lui a valu d’être dans les petits papiers du gouvernement américain, Brother Ali est certes reconnu, mais clairement pas à sa juste valeur.


Evidemment on se doute de la ou les raisons, le mec est albinos, ne fait pas du son pour la radio ou les clubs, pas de trap, te parle de conspiration, d’injustice, des violences policières, des débordements du gouvernement, de censure, de religion, de racisme… Des thèmes pas très vendeurs pour les vieux cons qui tirent les ficèles de l’industrie musicale et certainement trop choquants pour les petites oreilles obstruées de la majorité des gens.

Peu importe, il s’en fout un peu en fait, son combat est bien plus noble qu’une quelconque réussite commerciale, comme Gandhi, Bob Marley ou son homonyme Mohamed Ali, il veut réussir à toucher le cœur des gens, changer les mentalités et transmettre des idéaux de paix et d’amour tout en dénonçant les injustices de ce monde.
La personnalité de Brother Ali est toujours aussi rayonnante et charismatique, sa plume toujours aussi poétique, humble et intelligente, ses lyrics m’ont plus d’une fois bouleversé et m’ont fait profondément réfléchir à énormément de choses, sur mes a priori sur la religion, sur ce qui est vraiment important dans la vie, sur la chance que j’ai par rapport à d’autres et tout simplement sur ma façon de voir les choses.


Du micro d’Ali émane toutes sortes d’émotions, de l’amour évidemment dans le lumineux Own Light, de la rage dans le puissant Pen To Paper, de la tristesse quand il évoque les suicides de son père et de son grand-père dans le poignant hommage Out of Here.
Le MC de Rhymesayers sonne paradoxalement apaisé, il a compris le monde qui l’entoure, il semble y voir beaucoup plus clair que la plupart d’entre nous, comme un marionnettiste qui a vu l’envers du décor, ou Neo qui a pris la bonne pilule – la bonne référence du mec des 90s ! – et sa sagesse ne l’empêche pas de dénoncer avec autant de force les injustices et la déviance de certains hommes.
Il combat le racisme à travers les yeux de son fils dans le magnifique Dear Black Son, critique l’homme blanc et sa folie de la colonisation dans l’engagé Before They Called You White, des textes toujours aussi engagés tintés de religion et de références à Dieu, le rappeur n’a rien perdu de sa verve et s’attaque une nouvelle fois à son gouvernement avec la bombe Uncle Usi Taught Me qui vous fera forcément penser à Uncle Sam Goddamn.
Sur une boucle qui ressemble enfin au hip-hop que l’on aimerait entendre des platines d’Ant, Brother Ali raconte en détail comment il a été coincé par les douaniers à l’aéroport et traité comme un terroriste après une conférence en Iran dans laquelle il a dénoncé les violences policières aux Etats-Unis, un morceau qui risque malheureusement encore une fois de l’éloigner des plateaux télé américains…
Peu importe, il inspire et donne de l’espoir aux gens qui savent écouter, on a besoin de plus de personnes comme lui, surtout dans le climat actuel et avec un rap de plus en plus abrutissant.


Avant d’évoquer la musique d’Ant, car tu l’auras compris c’est surtout les mots du Bro qui m’ont intéressés, comment ne pas évoquer le bouleversant Pray For Me ?
Je rentrais du taff, casque vissé sur la tête pour mes 40 minutes de métro, je sors à Couronnes, le soleil est radieux, premières notes de Pray For Me, les drums arrivent et me font bouger la tête, la musique est entraînante mais la mélodie et les chœurs me font ressentir une certaine tristesse, je sens que ça va être un moment spécial, je ralentis ma marche et écoute avec plus d’attention car Ali arrive au mic, il raconte avec une sincérité déconcertante l’une de ses plus grandes humiliations, comment les enfants se sont moqués sans pitié de son apparence à l’école et l’ont presque poussé au suicide, c’est un des textes les plus bouleversants que j’ai entendu de ma vie… j’ai des putains de frissons et j’ai juste envie de pleurer :

[Verse 1]
The first day of third grade
Topic of discussion at the kick ball game
Is who’s the new student why he look that way?
A eight-year-old expert determined I’ve got AIDS
A vote must’ve been taken, it became my name
I mean literally AIDS is my name okay
It made its way around the school and eventually
I heard a teacher try to catch herself as she yelled it to me
I tried to be invisible honestly
Wishing that the ground would just open up, swallow me
What kind of crime did I commit for this mockery?
Guess I must’ve lost some kind of cosmic lottery
How am I processing this at a baby’s age?
It felt like I had a gut full of razor blades
I fantasized someone else would come take my place
Because they taught me to hate my face

[Verse 2]
Imagine how my mama felt
Obviously she want to offer me some kind of help
Pretty white lady never probably dealt
With this particular type of hell
If she dyed my hair blonde maybe I can blend
Get a better response maybe even a friend
She took me to the salon, put chemicals in my head
When they took the towel off, it was purple in the end
Lot of money spent just to get me presentable
Message that it sent, the real you ain’t acceptable
I knew what she meant, what else could she expect to do?
That was just the lens that she viewed protection though
And so eventually I began to see that
What grows out of me is my dirty little secret
Had to go back every few weeks to keep it
I think that part depressed me the deepest

[Verse 3]
Thank God for the grown ups
That roll up when they know it’s time to hold us
The elder queen showed so much homegrown love
She said « hair doesn’t die but your soul does »
She said « Elvis wore his hair in a pompadour
So he could try to look like Muddy Waters more »
But he would fry his crown so that he could lay it down
Like a white boy they called it a conk before
Until James Brown came kicked down the door
Say it loud, I’m black and I’m proud my boy
That the meaning behind the afros and all
Get free being what it is that you know you are
She said « Beauty’s the splendor of truth
You will never cut loose ’til you’re suitable to you
And your living is the proof just let it do what it do
Now watch them follow suit and try to catch up to you

J’aurais bien terminé la chronique sur ce texte puissant et inspirant mais mon taff de chroniqueur nécessite de l’objectivité.
Si je dois noter les lyrics de Brother Ali, je lui mets 20, la musique d’Ant est en revanche beaucoup moins intéressante.
Certes il a des éclairs de génie, comme sur les derniers Atmosphere d’ailleurs, les coups de guitare d’Own Light, la puissante intro Pen To Paper, le sombre et mystérieux Tremble, la mélodie et les chœurs de Pray For Me, la boucle hip-hop d’Uncle Usi Taught Me mais je ne vais pas te mentir, je trouve une bonne moitié des morceaux inintéressants musicalement, trop lisses et trop pop.
Je ne peux m’empêcher de repenser aux premiers albums de Slug et Ali, les putains de prods à la Havoc qu’il nous sortait à l’époque d’Overcast et Dynospectrum, les samples de malade dans des morceaux comme Fuck You Lucy ou Rain Water, putain quand t’écoutes Shadows on The Sun et The Champion EP ça bastonne, les drums tapent, ça scratche, c’était quand même autre chose, depuis que Slug et Ant ont décidé d’arrêter de sampler et de tout composer à base d’instruments live, ils ont foutu leur musique en maison de retraite…
Les albums d’Atmosphere je n’y arrive clairement plus, Slug a aussi perdu sa rage, mais putain Brother Ali il en a des choses à dire et il est toujours aussi chaud au mic, on regrette donc qu’il n’ait pas une production au niveau de sa plume…

Mon rêve pour le prochain album de Brother Ali ? Qu’il sorte de cet enfermement un MC/un producteur qui ne fait pas honneur à son talent et qu’il taffe avec plusieurs mecs.
Jake One évidemment mais aussi pourquoi pas Kno ? Un 9th Wonder ? Un Apollo Brown ? Un Evidence ? Un The Alchemist ? Pourquoi pas Questlove lui qui est fan de The Roots, je le verrais même bien kicker sur du Primo, ce serait dingue ! Et ça ne l’empêche pas de passer voir Ant pour chopper deux trois éclairs de génie.

Le vinyle de All The Beauty In This Whole Life est à chopper sur le shop ici.

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