4 DIMENSIONS ON A PAPER
Revenir aux fondamentaux, ça fait du bien parfois.
Cet album est une belle occaz de s’injecter une dose de rap sincère et authentique, comme un vaccin contre ce rap superficiel épidémique.
Sortie : 6 avril 2016
TOP TRACK : ALL I NEED |
Je vais la faire courte, Epidemic c’est 4 albums, 4 pépites. Pour ceux qui ne connaissent pas ce duo de rappeurs du sud de la Floride, il est composé de Hex-One et Tek-Nition. Des MC’s au style technique et aux rimes complexes sur des prods old-school inspirées de la Golden Era. C’est simple, entre leurs albums, EP’s ou projets solo tout est bon, rien à jeter, pas un mauvais son. Si t’aimes le son boom bap et les sonorités venant de l’Est, Epidemic est pour toi. Si tu ne connaissais pas avant, ils ont déjà assez de cartouches pour secouer ta nuque pendant au moins 2 générations.
Petit récap : Epidemic débarque en 2011 avec leur classique « Ill Spree ». Leur second album « Monochrome Skies » confirme avec un projet au moins aussi bon, mon préféré d’Epidemic. Deux tueries bourrées de classic tracks et refrains de dingue que tout amateur de bon boom bap se doit de posséder. Ils enchainent avec le petit bijou jazzy « Somethin’ For Tha Listeners » en 2013 un album moins sombre et mélancolique à l’ambiance plus smooth mais tout aussi efficace.
Après leur très bon EP « The Soulution » avec Fashawn sorti en 2014 et une pause en 2015 pour le label Mic Theory Records, j’attendais cet album avec impatience et comme d’hab ils ne déçoivent pas et nous servent encore une petite galette underground comme on les aime..
C’est par une démonstration technique qu’ils entament les hostilités avec Bout That Time, un nombre incalculable de bars lâchés à la seconde par les 2 MC’s avec en prime un débit impressionnant de Hex-One.
Construit et pensé comme les 4 saisons, « 4 Dimensions on a Paper » a été séparé en autant de parties comprenant chacune 4 morceaux.
Les premières tracks symbolisent la période estivale avec des ambiances plus positives comme Style et ses 4 verses de folie du duo qui survole cette prod dorée tout droit sortie des 90’s qu’ATCQ aurait pu kicker sans problèmes. Une osmose palpable, un refrain en béton, le morceau parle pour lui.
On avance doucement vers des thèmes plus concrets avec All I Need qui définit bien Epidemic. Tous les ingrédients sont là. Une bonne instru en retrait pour mieux mettre en valeur la perf des MC’s, un refrain qui glisse tout seul, des paroles prenantes et pleines de sens relevées par des flows maîtrisés à la perfection. Un cocktail qui me rappelle qu’il ne me faut pas grand-chose pour qu’un son me colle le smile tant qu’on ressent une vibe et la passion des MC’s. Un morceau qui porte bien son nom.
En fait on pourrait décrire l’ensemble de l’album de cette façon tant la consistance et l’expérience des rappeurs s’expriment à chaque couplet. Can’t Get Enough en atteste avec des paroles plus personnelles déposées sur la ligne de basse de cette instru planante qui évoque l’atmosphère chill de l’automne.
La très réussie Space Travelin’ marque l’arrivée des vents froids avant que la nostalgique Metempsychosis nous captive avec des paroles lourdes et profondes sur les épreuves que la vie peut infliger.
Le seul feat rappé de l’album met en scène Melanin9, plume aiguisée de la scène rap anglaise qui n’avait rien droppé de concret depuis son très bon « Magna Carta » et son EP « High Fidelity » mais qui revient en force avec un verse à sa hauteur sur les craquements de vinyle et le piano ensorcelant de Seasunz qui lui vont comme un gant.
Pas étonnant que l’alchimie entre Hex-One et Tek-Nition soit évidente, ces 2 potes passionnés de hip hop et d’écriture rappent ensemble depuis l’université comme ils nous le rappellent dans From The Beginning.
Le beat enjoué de The Hidden vient clore la grisaille hivernale et laisse entrevoir les premiers rayons de soleil avec l’intense Round N Round qui parle notamment des difficultés quand on est immigrant comme Hex-One né en Colombie et arrivé très jeune à NY. L’album finit tout de même sur une touche d’espoir et d’optimisme grâce à la voix apaisante de Chad Bazel et repart sur un nouveau cycle avec l’envoutante Get It Now..
Niveau contenu ils ne se foutent pas de nous encore une fois. Passés maîtres en l’art des refrains efficaces, on ne compte plus le nombre de bars et de phases lyricales qu’ils lâchent à chaque couplet, un truc presque indécent à faire pâlir la concurrence. Les lyrics sont toujours de grande qualité, travaillés et parfaitement délivrés grâce à un maniement des syllabes et des mots très habile et tout ça avec du sens et de la profondeur dans le message. Pas de gimmicks, d’emphase ou de fioritures ici. C’est brut, entier, vrai et pertinent sans jamais être grossier, facile ou trop agressif.
Personnellement je garde toujours une préférence pour les 2 premiers albums à l’ambiance plus froide et offensive mais « 4 Dimensions on a Paper » s’inscrit dans la lignée du précédent, le cap ne change pas et ils nous offrent toujours la même qualité et densité au mic.
Toute la discographie d’Epidemic est à ranger parmi les meilleurs albums underground depuis 2011 et la sortie d’« Illin Spree ». C’est assez rare pour le souligner et ça force le respect, ce qui fait d’Epidemic un des meilleurs porte-parole de ce style et un de mes groupes préférés de ces dernières années.
Donc si tu veux te poser tranquille et écouter du bon son, sers-toi un verre, met-toi « 4 Dimensions on a Paper » en fond et t’as plus qu’à te détendre après ta semaine de taf. Revenir aux fondamentaux, ça fait du bien parfois et cet album est une belle occaz de s’injecter une dose de rap sincère et authentique, comme un vaccin contre ce rap superficiel épidémique.
Et si le sol de ton apart est encore jonché de douilles lâchées par le AK de Groovy Q, voici un rap aux antipodes mais tout aussi agréable et jouissif, de quoi reposer tes oreilles après la rafale de South L.A. Prend cet album comme la tranche de citron après ta tequila, ta clope après ta folle partie de jambes en l’air..
Chronique écrite par Bast.