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SHAWN CARTER TUE JAY-Z
4:44 est probablement l’album le plus sincère et personnel de Jay-Z, ou plutôt de Shawn Carter, qui se présente complètement nu au micro. On dit que les plus grandes œuvres d’art sont souvent les plus sincères, j’en suis convaincu, l’inverse n’est cependant pas forcément vrai.
Sortie : 30 juin 2017
TOP TRACK : The Story of O.J. |
4 ans après le dispensable Magna Carta Holy Grail, Jay-Z est de retour avec le bien nommé 4:44.
Beaucoup de 4 qui symbolisent sa date de naissance, celle de BeBe, leur date de mariage mais aussi l’heure à laquelle Jay-Z se serait subitement réveillé frappé par l’inspiration pour écrire la chanson éponyme… on y croit à moitié !
Tous ces chiffres pour dire que l’album se veut très personnel et c’est une bonne chose, mais n’est-ce pas Beyoncé qui l’a poussé dans ses retranchements ?
Beaucoup de choses se sont passées en 4 ans, des jumeaux sont arrivés chez les Carter, Trump a remplacé Obama, Jay-Z a lancé sa plateforme de streaming Tidal – qui nous fait tous bien chier –, il y a eu l’« affaire » de l’ascenseur qui n’a pas empêché Solange de sortir le bijou A Seat At The Table, ni Beyoncé d’afficher aux yeux du monde l’infidélité de son mari dans le bon – mais surcoté – Lemonade, et plus récemment, c’est son ancien BFF, Kanye West, qui le lynchait sur scène, il vient d’ailleurs d’annoncer qu’il se retirait du projet Tidal en lui réclamant $3 millions…
Beaucoup d’encre pour la plume de Jay-Z qui nous parle enfin d’autre chose que sa collection d’œuvres d’art – il en parle quand même un peu – et de son ancienne vie de gangster – il en parle quand même un peu ! –, Shawn Carter tue Jay-Z, son égo et son alter égo, pour redevenir un humain avec ses failles, ses secrets inavoués, ses cicatrices et ses regrets.
4:44 est bien sûr d’abord une réponse directe à Lemonade, la deuxième partie de la thérapie de couple publique des Carter, Jay-Z commence par confirmer aux yeux du monde avoir trompé Beyoncé :
« You did what with who?
What good is a ménage à trois when you have a soulmate?
You risked that for Blue?
If I wasn’t a superhero in your face
My heart breaks for the day I had to explain my mistakes
And the mask goes away and Santa Claus is fake
And you go online and see
For Blue’s tooth, the tooth fairy didn’t pay »
Avant de présenter ses excuses :
« I apologize to all the women whom I toyed with you emotions
Because I was emotionless
I apologize ’cause at your best you are love
And because I fall short of what I say I’m all about
Your eyes leave with the soul that your body once housed
And you stare blankly into space
Thinkin’ of all the time you wasted in on all this basic shit
So I apologize »
Tellement que ça en devient presque égocentrique :
« I apologize for all the stillborns
’Cause I wasn’t present, your body wouldn’t accept it »
Comme sur le divan d’un psy, Jay-Z déballe tout ce qu’il a sur le cœur et règle ses comptes avec Kanye :
« You walkin’ around like you invincible
You dropped outta school, you lost your principles
I know people backstab you, I feel bad too
But this ‘fuck everybody’ attitude ain’t natural
But you ain’t the same, this ain’t KumbaYe
But you got hurt because you did cool by ‘Ye
You gave him 20 million without blinkin’
He gave you 20 minutes on stage, fuck was he thinkin’? »
Avec les producteurs de Prince :
« These industry niggas, they always been fishy
But ain’t no Biggie, no lazy eye, huh
This guy had ‘Slave’ on his face
You think he wanted the masters with his masters?
You greedy bastards sold tickets to walk through his house
I’m surprised you ain’t auction off the casket »
Avec les rappeurs superficiels de la nouvelle génération – Future ? – :
« Y’all out here still takin’ advances, huh?
Me and my niggas takin’ real chances, uh
Y’all on the ‘Gram holdin’ money to your ear
There’s a disconnect, we don’t call that money over here »
Il révèle l’homosexualité de sa mère :
« So all the ladies havin’ babies, see a sacrifice
Mama had four kids, but she’s a lesbian
Had to pretend so long that she’s a thespian
Had to hide in the closet, so she medicate
Society shame and the pain was too much to take
Cried tears of joy when you fell in love
Don’t matter to me if it’s a him or her »
Ou encore nous parle de racisme dans le meilleur morceau de l’album, The Story of O.J. :
« House nigga, don’t fuck with me
I’m a field nigga with shined cutlery
Gold-plated quarters where the butlers be
I’ma play the corners where the hustlers be
I told him, ‘Please don’t die over the neighborhood
That your mama rentin’
Take your drug money and buy the neighborhood
That’s how you rinse it’ »
Avant de se perdre dans des conseils financiers et des punchlines douteuses qui n’ont plus grand chose à voir avec le sample de Nina Simone :
« I coulda bought a place in Dumbo before it was Dumbo
For like $2 million
That same building today is worth $25 million
Guess how I’m feelin’? Dumbo »
« You wanna know what’s more important than throwin’ away money at a strip club?
Credit
You ever wonder why Jewish people own all the property in America?
This how they did it »
Il termine l’album avec un retour nostalgique à Marcy avant de parler de son héritage à sa fille. Tout ça sur des beats sur-mesure de No I.D. qui a centré son travail sur des samples soul vintage pour une ambiance intimiste qui répond aux textes.
4:44 est probablement l’album le plus sincère et personnel de Jay-Z, ou plutôt de Shawn Carter, qui se présente complètement nu au micro. On dit que les plus grandes œuvres d’art sont souvent les plus sincères, j’en suis convaincu, l’inverse n’est cependant pas forcément vrai.
On en apprend certes un peu plus sur l’homme, très bien, ça n’empêche pas Jay-Z de rapper off-beat les ¾ du temps, ça n’empêche pas les refrains d’être plats et simplistes, ça n’empêche pas les invités d’être inutiles, ça n’empêche pas la moitié des samples d’être cramés – ce sample des Fugees… – et ça ne nous empêche surtout pas de nous ennuyer… Pas d’intro, pas d’interludes, pas de transitions, pas mal de morceaux sous les 3 minutes, Jay-Z qui rappe en pantoufles, voir arrête complètement de rapper et parle… Je ne vais pas me faire des amis mais j’ai l’impression que beaucoup de monde manque d’objectivité à l’écoute de ce projet, les fans de Jay-Z et les rappeurs en premier, les sites spécialisés sont beaucoup moins enthousiastes.
Je ne dis pas que c’est un mauvais album, c’est un beau pas en avant par rapport à Magna Carta mais ne me dites pas que c’est un des albums de l’année, on l’aura tous oublié dans quelques semaines – jours ? –, quelle chanson tu vas mettre dans ta playlist best of Jay-Z ? Aucune.
Même constat pour la production de No I.D., son taff avec Common restera dans l’histoire du rap et il a su se renouveler avec Vince Staples notamment, le mec est une légende au même titre que Hov’, pas de doute là dessus, mais ça reste du très classique, aucune prise de risque, du vu et revu.
Quand tu prends des bons ingrédients, la soupe est toujours bonne, avec un budget sample plus élevé que le PIB de la France c’est sûr que les prods passent bien, mais ne comparons pas ça au Kanye West ou Just Blaze époque The Blueprint, pas mal de producteurs même aujourd’hui peuvent faire mieux avec ces samples, je pense à Kno, Exile, Jake One, L’Orange ou encore Madlib par exemple et là on parle de crate digging.
Le problème c’est que le niveau de la production rap est tellement bas que quand un mec comme Jay-Z sort un album avec des samples et pas un copier coller des prods déjà copiées collées les unes sur les autres de Metro Boomin’, Zaytoven et compagnie, les gens s’affolent, évidemment les même qui écoutent ce genre de merde n’écoutent pas Madlib et L’Orange mais tout le monde écoute Jay-Z. Pour ceux qui écoutent du bon rap, c’est un bon album mais ça s’arrête là, pas de quoi s’enflammer.
J’ai revu Trainspotting il y a quelques jours, je ne sais pas si tu te souviens de cette scène où Mark et Sick Boy tirent dans le cul du chien dans le parc, ils parlent en même temps de musique et Sick Boy lui dit que tous les grands « le » perdent un jour, cet éclair, ce je ne sais quoi qui rend leur musique magique. Jay-Z l’a perdu depuis le Black Album, c’est la dernière fois que j’ai entendu le roi de New-York, il a eu la fulgurance American Gangster mais ça n’a plus été la même chose après.
Sans vraiment l’avouer, ce 4:44 personne n’y croyait et on est tous presque étonné que la copie ne soit pas médiocre, ça n’en fait pas non plus un Blueprint.
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