THE GAME – DOCTOR'S ADVOCATE [CHRONIQUE]

THE GAME – DOCTOR’S ADVOCATE [CHRONIQUE]

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Doctor's AdvocateNote

CLASSIC SHIT !!

Brillamment produit, diversifié et équilibré, agressif et émouvant, moins calibré et plus proche de ses racines californiennes que « The Documentary », ce « Doctor’s Advocate » est le VRAI classique de Jayceon Taylor qui prouve au monde entier qu’il n’a besoin de personne et encore moins de Fifty pour monter sur le trône de Cali.

BEST TRACKS : Lookin’ at You, Da Shit, Compton, One Blood, Remedy, Let’s Ride, Too Much, One Night, Doctor’s Advocate, Why You Hate The Game? TOP TRACK
One Night

The Documentary fut un succès planétaire, un disque qui ramena à lui tout seul LA on the map, et pour cause, Dre prit pour la première fois sous son aile un MC venant lui aussi de Compton, The Game.

Si ce premier disque d’or est rempli de classiques aux ambiances très variées, de l’excellent Dre aux bombes plus East comme « Put You On The Game » de Timbo ou « Dreams » de Kanye, certains criaient déjà au produit formaté cachant les carences lyricales de son MC. D’autres comme 50 Cent tentaient de s’approprier une part du succès de l’album, et à vrai dire, l’influence de Curtis Jackson ne fut certainement pas étrangère à cette réussite commerciale, en attestent les 3 énormes singles avec Fiddy en featuring et au refrain.
Le résultat de cette polémique fut un beef mémorable entre ces deux mastodontes qui aiment se comparer à Biggie et Pac…
Pour moi la comparaison s’arrêtera géographiquement !

Beaucoup d’enjeux accompagnaient donc la sortie de ce sophomore album, The Game devait prouver au monde entier son statut de MC à part entière et cette fois-ci sans l’aide de 50 Cent ni de Dre.

Si lyricalement, Jayceon est certes plutôt limité, son name-dropping incessant, son passé dans les Bloods et ses allusions récurrentes à sa côte sont petit à petit devenus une marque de fabrique – mais aussi un argument solide pour ses détracteurs – qui se retrouve bien évidemment sur cet album.
À commencer par sa gang-affiliation qui sert de matière à l’oppressant « One Blood » samplant Junior Raid pour un des titres les plus puissants d’un Game en transe qui fait renaître NWA.
Une des importantes influences dans le riche ADN musical d’un artiste qui respire hip-hop. En effet, avant d’être un MC, Jayceon Taylor est un véritable amoureux du genre. West Coast dans l’âme, ses inspirations ne se limitent pas aux Ice Cube, Eazy-E, Pac ou bien sûr Dre, non, il sait aussi apprécier les talents de N.Y. comme Biggie et Nas et c’est cet amour incommensurable pour ses pairs et ce besoin incessant de convaincre l’auditeur et de se convaincre lui-même – « I’m Big, I’m Cube, I’m Nas, I’m Pac » – qu’il fait bien parti de ce panthéon qui construisent toute l’ambiguïté du personnage et le rendent finalement très touchant.
Tel un gamin dépassé par un destin doré, Game ne vit pas, il rêve de vivre mais à force de rêver si fort, n’a t-il pas fini par vivre ses rêves ?

The GameDevenu maintenant une figure incontournable du hip-hop, Game n’est pas Nas, Game n’est pas Pac, Game est Game et ce qu’on ne peut lui enlever, c’est d’abord une voix puissante et charismatique, légèrement éraillée mais jamais irritante comme un Big Shug ou un Canibus, un très bon flow versatile et maîtrisé – The Game est capable d’imiter de nombreux MCs – s’adaptant à tout type de beat et surtout un choix de productions toujours très juste.
Et c’est, une fois de plus, le gros point fort de ce disque, brillamment produit, « The Doctor’s Advocate » est un des rares skeuds à atteindre le sommet musical d’un 2001 de Dre ou d’un « Black Album ».

La comparaison à Jay-Z n’est d’ailleurs pas anodine, si Game n’oublie pas ses clins d’œil à L.A. avec le fumant « Da Shit » ou l’énorme « California Vacation » qui nous emmène en virée G-Funk accompagné par Xzibit et Snoop pour un trio qui sent la chronic, il aime aussi s’entourer de producteurs East Coast comme Kanye West ou Just Blaze, des habitués de la maison Roc-A-Fella.
Si l’enveloppe musicale de ce projet fait certes rêver tout fan de hip-hop, c’est encore une fois Game qui arrive à rendre cohérente cette diversité et à galvaniser chaque producteur qui travaille avec lui. À l’image de Scott Storch qui nous pond deux prods d’un autre monde : le désormais classique « Let’s Ride », une instru West Coast pianotée qui transformera votre Rover en Low Rider dans les rues de Lançongeles et un « Too Much » qui combine un beat magique à un refrain « Nate Dogg + violons » orgasmique.

Mais ne vous attendez pas à une pléiade de tubes calibrés pour les radios, non, c’est bien du pur son hip-hop, avec des titres sombres et agressifs comme le poisseux « Compton », hymne à son quartier et celui de Dre qui fait écho au classic « Mamma Said Knock You Out » de LL Cool G.
Le début de l’album est d’ailleurs très musclé à l’image de l’excellente intro « Lookin At You », « Guess Who’s Back On a West Coast Track ?, it’s the muthafukkin messiah of Gangsta Rap », Game ne rigole pas et ne compte pas brider ses chansons de refrains RNB mielleux, ici le hook chanté et les cœurs sont excellents et puent la street.
Et si ce trop plein d’arrogance et d’assurance ne tourne pas à la caricature c’est pour deux raisons : la première c’est que quand quelqu’un cri « Je suis le meilleur, allez vous faire foutre ! » et sort un des meilleurs projets West Coast de ces dernières années, on ferme sa gueule !!
La seconde c’est encore une fois la production, comme je le dis souvent, sur du Premo, même ma grand mère pourrait faire un classique, c’est à peu près la même chose quand Just Blaze, Scott Storch et Kanye West vous déroulent le tapis rouge.
Et bien que ce dernier n’arrive pas à recréer l’alchimie de « Dreams », il nous démontre une fois de plus sa science du sample sur un « Wouldn’t Get Far » qui aura au moins le mérite de nous confirmer que The Game ne sait pas chanter !
Heureusement, certains ne faillissent jamais, Just Blaze nous a ainsi concocter le « Remedy » pour soigner le hip-hop, une prod surpuissante et entêtante dévorée par le Blood et ponctuée de purs scratches, une bombe qui ressuscite Public Enemy.
Chaque producteur surpasse le précédant et quand la pression est trop forte, Nottz se porte garant de l’équilibre musical et se charge de produire un des bijoux de l’album, très rarement décevant, il nous offre un moment mémorable de la carrière de Game, tel un diamant brut, ni vraiment taillé pour le grand public, ni trop underground, « One Night » est un moment de grâce, une de mes tracks favorites du MC de Compton qui se veut plus personnel que jamais.

Un autre qui ne déçoit pas non plus, c’est bien sûr Swizz Beatz, également de la partie, il s’applique à pourrir l’album comme il sait si bien le faire avec un « Scream On Em’ » inaudible et répétitif, les deux ingrédients de base de la recette Swizzy !
Je n’ai d’ailleurs jamais compris cet engouement pour ce producteur que je considère comme l’un des pires de tous les temps.
Passons donc cette tâche et entrons dans l’orfèvrerie d’Hi-Tech pour contempler l’atmosphérique Ol’English, ces sifflements nonchalants poétisent un refrain encore une fois très réussi qui vous donnera les dernières consignes pour savourer ce millésime :
« Smokin’ on that chronic, drinkin’ Olde English ! »

The GameLe tableau est presque parfait, il ne manquerait plus que la signature du maître mais cet écrin doré nous avait presque fait oublier que The Game était seul aux commandes… seul ou presque.
Le disque aurait pu s’appeler « Me Against The World » mais c’était sans compter sur le fantôme du Doc omniprésent dans la tête de Jayceon, en véritable « Doctor’s Advocate », il multiplie les allusions à son mentor (40 fois !) que se soit dans ses lyrics – « I’m the reason Dre feel comfortable retirin » -, dans les productions – l’excellent « Bang ! » en compagnie du Dogg Pound qui nous rappelle la belle époque du G-Funk -, jusque dans le titre même, ce second album est un vibrant hommage à son modèle qui atteint son point d’orgue avec la track éponyme.
Un sommet d’émotion qui met en scène Busta Rhymes et un Game éméché qui se confie à cœur ouvert sur son éviction d’Aftermath et sa relation avec Dre.
La production est tout simplement magistrale, dans la veine du « Imagine » de Dre et Snoop concluant le « Blue Carpet Treatment », tant dans le refrain divin de Chauncey Black, membre du groupe Blackstreet – dont la voix nous rappelle d’ailleurs D’Angelo au refrain d’Imagine – que dans la prod, on pense tout de suite au génie du Docteur.
Jonathan Rotem est crédité, mais la signature est bien là, à l’encre invisible, le mystère restera entier.

Un autre génie, Just Blaze, définitivement dans mes producteurs favoris, jouait un parfait maître de cérémonie en 2003 en ouvrant le « Black Album » avec le divin « December 4th », il se charge ici de clore le chef d’oeuvre de Game et que dire de cette conclusion; du grand Blaze, orchestral et majestueux, les pianos et les samples soul sont sublimés par le refrain de Marsha of Floetry et le couplet de Nas qui dépose le dernier coup de pinceau.

Indispensable pour les fans West-Coast, essentiel pour les fans de hip-hop, ce deuxième album de The Game est un véritable tour de force, brillamment produit, diversifié et équilibré, agressif et émouvant, moins calibré et plus proche de ses racines californiennes que « The Documentary », ce « Doctor’s Advocate » est le VRAI classique de Jayceon Taylor qui prouve au monde entier qu’il n’a besoin de personne et encore moins de Fifty pour monter sur le trône de Cali.

West Side !!

 

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