RÉVISE TES CLASSIQUES #9 - GANG STARR / MASS APPEAL

GANG STARR – MOMENT OF TRUTH [CHRONIQUE]

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Les vinyles des albums de la Gang Starr Family sont à chopper sur le shop ici.

Moment Of TruthNote

CLASSIC SHIT !!

Plus qu’un classique, cet album représente une époque, un genre, un mouvement et paradoxalement une évolution.

Un véritable moment de vérité pour le rap.

BEST TRACKS : You Know My Steez, Work, Royalty, Above The Clouds, JFK 2 LAX, Moment Of Truth, The Militia, Betrayal, Next Time TOP TRACK
Moment Of Truth

Si le hip-hop était une allégorie, il serait certainement Gangstarr.
Plus qu’un groupe, le duo, formé par Dj Premier et Guru, est une institution.

Piliers du game depuis 1987, ils ont façonné le son new-yorkais de 90 à nos jours et ont influencé le cours du hip-hop à jamais.
Comme l’or, Gangstarr a toujours été une valeur refuge et même dans des jours sombres où la musique devient de plus en plus synthétique pour atteindre les radios à moindre coût, Premo conserve l’essence même du hip-hop dans sa MPC et ses platines quand Guru s’est érigé en figure emblématique du genre.
Si New-York est bien le bastion originel du rap, Chris Martin et Keith Elam en sont ses garants.

Jamais has been, toujours précurseur et visionnaire tout en restant profondément authentique, Gangstarr porte à lui seul toutes les valeurs eastcoast : quand les fondamentaux Step In The Arena et Daily Operation servaient d’assises à un son qui mêlait sampling et scratchs à des boucles jazzy caractéristiques de l’âge d’or, Hard To Earn venait radicaliser le mouvement et ouvrir la porte à des groupes mythiques comme Mobb Deep et C-N-N pour définitivement marquer l’identité du rap new-yorkais : froid, sombre, organique et dépouillé, à l’exact opposé de son homologue californien.

Gang StarrAlors que Guru entretenait sa relation amoureuse avec le jazz en sortant le premier de la série des Jazzmataz, 94 à 98 marqua surtout l’explosion de Premo, courtisé par les meilleurs MCs, de Nas à Jay-Z en passant par Krs-One, Rakim et Biggie, la liste de ses beats mythiques est aussi impressionnante que sa longévité et avec comme dernier album intégralement produit, le classique Wrath Of The Math de Jeru Tha Damaja, c’est au sommet de son art qu’il rejoignit Guru en 98 pour écrire l’histoire une 5ème fois.

Indissociable de l’évolution du groupe, DJ Premier s’est toujours servi de Gangstarr pour expérimenter ses techniques de beatmaking et ce nouvel album Moment Of Truth allait marquer la maturation du meilleur producteur de tous les temps.
Comme Guru le précise en intro : « We update our formulas with the time, the rhyme style is elevated, the style of beats is elevated but it’s still Guru and Premier », les beats vétustes de Hard To Earn laissent place à un son résolument moderne, plus rythmé et saccadé, des samples plus clairs et dépouillés donnant naissance à une formule inimitable qui va marquer tous les beats de Premo post-Moment Of Truth :
le ciselage percussif de samples simples mais très recherchés pour former la fameuse « killing loop » ponctuée de scratchs jouissifs au refrain.

Ce style si reconnaissable aujourd’hui est appliqué dès le premier morceau, « You Know My Steez », aussi efficace que « Full Clip », ce classique représente le renouveau de Premier qui va prendre une autre dimension avec cet album.
C’est également un plaisir de retrouver Guru au mic. Si je devais définir le MCing de Keith Elam, je le comparerais à un meuble de valeur, il rend l’intérieur plus agréable sans être prépondérant; ici, son rôle est simplement d’habiller les joyaux de Prem’. Soyons franc, Guru n’est pas un bon rappeur, son flow trop monotone est souvent plus parlé que kické, cependant, sa voix claire, intelligente et pleine d’humilité est maintenant devenue légendaire et si représentative du son auquel on est tombé follement amoureux.
Mais ne nous y trompons pas, Guru est aussi capable de lâcher d’excellents flows comme dans « Work », aidé par sa rythmique punchy traversée par ce piano truculent, les scratchs au refrain viennent me rappeler que la version avec Big L est encore plus jouissive.

Telle l’étoile du berger, Gangstarr a toujours éclairé le hip-hop pour le mener dans la bonne direction, « Royalty » reflète cette lumière et brille comme un diamant, son magnifique refrain chanté vient contrebalancer l’orgie de scratches sublimant la plupart des morceaux.
Toujours en quête du sample absolu, DJ Premier enchaîne sans faiblir les moments anthologiques, « Above The Clouds » en est clairement un, un sample légendaire de John Dankworth permet à Inspectah Deck de lâcher un couplet extraordinaire.

Gang StarrJ’ai toujours eu un faible pour les instrus de Prem’ qui samplaient des voix, ce mariage donne souvent naissance à des beats mythiques (CNN-Invincible, Evidence-You, Afu-Ra-Defeat, Nas-Memory Lane, Gangstarr-Playtawin…), « JFK 2 LAX » ne déroge pas à la règle, classique.
Dans les instrus qui sentent DJ Premier à 10 km, on peut également citer « Itz A Setup », dans la même veine que « Society Is Brainwashed » de Ill Bill ou « S.O.S. » de Black Poet, ce genre de beat inquiétant est à situer quelque part entre les films d’Hitchcock et les rues de New York !

Bien évidemment, Gangstarr a toujours été une grande famille et la Gangstarr Foundation est là pour suppléer Guru dans ses moments de faiblesse, exit les Jeru The Damaja ou autres Group Home, les nouveaux venus se nomment Big Shug et Freddie Foxxx, deux voix franchement inécoutables qui viennent pourtant poser un excellent couplet sur le mythique « The Militia » ; les M.O.P, fidèles à eux-mêmes, nous brûlent les tympans sur un B.I. Vs Friendship explosif.
Krumbsnatcha, un autre rookie de la Gangstarr family, vient lui aussi épauler un Guru qui s’essaie à la production sur le planant « Make’Em Pay » mais également plus tard sur le mélancolique « She Knows What She Wantz », deux morceaux très réussis, évidemment Premo n’est jamais très loin et assure le mixage et les scratches.

Très dense, cette album ne possède aucun morceau à jeter mais souffre parfois de sa longueur, et certaines tracks, certes agréables n’en demeurent pas indispensables comme le peu inspiré « Robin Hood Theory » qui souligne la monotonie du flow de Guru ou le trop minimaliste « New York Straight Talk », heureusement, Premo nous réserve encore quelques perles comme le piano de What I’m Here 4, le duo magique avec le véritable King Of The South, Scarface, sur un thème familier, la trahison, ou encore l’instru dense et continue de « Next Time » qui retranscrit la verve et la puissance de « Code Of The Streets ».
Gangstarr est un fragment de la mémoire du hip-hop et très logiquement, « In Memory Of » vient conclure, sur un son angélique, ce sommet new-yorkais avec un énorme hommage à toutes les légendes qui ont marqué ce mouvement.

Plus qu’un classique, cet album représente une époque, un genre, un mouvement et paradoxalement une évolution, un véritable moment de vérité pour le rap que l’on rencontre en plein cœur de ce chef d’œuvre : « Moment Of Truth », un son qui aura influencé le genre à jamais, l’alchimie entre Premier et Guru est ici à son summum, la nostalgie et la puissance sont accentuées par un sample du classique « Who’s Gonna Takes The Weight » qui vient nous rappeler que le hip-hop évolue sans cesse mais doit garder ses valeurs fondamentales, celles qui nous l’ont fait l’aimer :
une boucle, des scratchs et une voix, R.I.P. Guru.

 

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