OMEN - ELEPHANT EYES [CHRONIQUE]

OMEN – ELEPHANT EYES [CHRONIQUE]

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ELEPHANT EYESNote

DREAMVILLE SECRET

Brise rafraîchissante passée injustement inaperçue dans cette précédente année 2015 très chargée, cet album différent a le mérite d’apporter un peu de sensibilité et de simplicité avec un MC honnête et touchant nous racontant simplement son histoire.


Sortie : 21 juillet 2015

BEST TRACKS : Motion Picture, LoveDrug, Elephant Eyes, Father Figure, Big Shadow, Things Change TOP TRACK
Sketches of Paranoi

Omen et J.Cole se sont rencontrés à l’âge de 17 ans sur le blog hip-hop Canibus Central. C’est donc naturellement qu’il devient le 1er artiste à rejoindre le label « Dreamville Records » fondé par J.Cole en 2007. Rappeur/producteur au tempérament discret, Omen est l’artiste un peu oublié et sous-estimé du label de Chicago, un MC de 32 ans au caractère introverti devant encore se battre pour exister au sein de son crew.

Après une 1ère apparition sur le morceau « The Badness » de la mixtape « The Warm Up » de J.Cole, il sort « Delayed » en 2010 avec les morceaux « Terminal O », « Love Me So » ou encore « Get Down ». Mais c’est avec sa 2nd mixtape « Afraid of Height » sortie 1 an plus tard et entièrement auto-produite qu’il se fait remarquer, notamment grâce aux morceaux « Beyond », «Look of Lust » avec un Kendrick Lamar tout en réserve ou encore «Mama told me» qui marqua les esprits avec un J.Cole en grande forme.

Mais voilà, Omen a toujours du mal à se faire un nom. Comment trouver sa place quand on est un rappeur réservé au milieu d’un label où J.Cole règne en maître, entouré de ses 2 sbires aux dents longues Bas et Cozz ? N’ayant pas la voix la plus charismatique, Omen a fait le bon choix pour son 1er album en misant plutôt sur la sincérité et l’émotion. Un album très personnel et honnête, le projet sur-mesure dont il avait besoin pour s’exprimer et coller à son style.

L’album débute par « Motion Picture », dont le beat va vous renvoyer au morceau «Thuggin » de Freddie Gibbs. Mais à la différence de Madlib, Omen se rapproche du bpm original et se livre sur ses faiblesses et ses doutes. On est interpellé par la fraîcheur des lyrics, mission réussie pour le natif de Chicago on veut en savoir plus…

La suite de l’album nous en apprend plus sur sa personnalité atypique comme le morceau « LoveDrug » où le rappeur nous confie son addiction aux réseaux sociaux et à l’intérêt que les gens lui portent. Il parle aussi des effets pervers de cette drogue sociale comme la course aux followers devenant parfois une obsession :

« Up on my Macbook, I’m checking through followers and my retweets/Overdosing on this drug, swear it’s got me knee-deep/Fighting to be noticed, give me more exposure/Fast-food focus in this microwave culture »

On passe d’une production mélancolique à un beat plus enlevé comme « Father Figure » ou on apprend que J.Cole, Bas et Omen ont tous les 3 été élevés par une mère seule, au même titre que les légendes Biggie, Snoop, Dre, 2pac, Nas ou Jay-Z tous ayant aussi grandis sans figure paternelle.

Dans l’envoutant « Sketches of Paranoi », Bas arrive en renfort et lâche un gros couplet qui se fond dans l’ambiance grâce à un flow maîtrisé et un storytelling captivant, sa spécialité. Il nous raconte l’histoire d’un ami dont le père a pris 20 ans, le laissant aux mains des dealers du quartier qui lui apprirent à « cuisiner » pour à la fin écoper de la même peine que son père. Il dépeint ce cercle vicieux ne laissant aucunes alternatives. Omen clôt le morceau par une envolée intense mise en relief par l’absence de drums.

On retiendra aussi « Big Shadows » au titre explicite. Prenant comme exemple Spliff Star, le complice de Busta Rhymes qui n’a jamais pu évoluer face au charisme de son mentor ou le rappeur sous-estimé Memphis Bleek du label Roc-a-Fella Records trop souvent oublié à côté de Jay-Z, Omen parle bien sûr de l’ombre de J.Cole qui pèse sur le crew de Dreamville.

Vous reconnaîtrez le sample utilisé dans « Boss life » de Snoop avec le regretté Nate Dogg ou encore «Everybody rise » de Busta produit par Nottz sur le classique « E.L.E».

Entre productions nostalgiques comme « Elephant Eyes » où on oscille entre beat minimaliste et montée en puissance surprenante, et des instrus plus musicales ou mélodiques comme « Sweat it out » on garde toujours cette cohérence générale grâce à des éléments communs dans les prods, comme les samples de voix féminines plus ou moins pitchés qui connectent les morceaux entre eux.

Un flow fluide et musical presque fragile alternant rap classique et phases à demi-chantées, des lyrics subtiles et introspectives sur des productions originales et pleines d’émotions le tout s’emboitant dans une homogénéité impeccable… La recette est complète.

Mais même si « Elephant Eyes » est un album particulier dont la qualité grandit d’écoutes en écoutes, l’utilisation de quelques samples cramés peut lui être reprochée même s’ils s’intègrent parfaitement au projet global. Niveau contenu, 3 ans pour 11 titres, on ne peut pas dire que le mec s’est mis la pression mais on sent que l’équilibre de l’album a été méticuleusement travaillé même si la tracklist reste très courte. Certains relèveront aussi son manque de présence ou d’agressivité au mic surtout si on compare aux autres mc’s du crew. Perso je trouve que ça fait son charme et son style, cette fébrilité presque palpable au service d’une atmosphère intimiste, quasi privée.

Brise rafraichissante passée injustement inaperçue dans cette précédente année 2015 très chargée, cet album différent a le mérite d’apporter un peu de sensibilité et de simplicité avec un mc honnête et touchant nous racontant simplement son histoire. Ce ne sera pas la came de tout le monde et il ne restera pas dans les mémoires comme un classique du genre mais si vous voulez faire un break au milieu de tout ce bordel trap, hardcore ou G-rap, si vous faîtes une overdose du style égo-trip et du rap mainstream ou si Groovy Tony vous a traumatisé… Accordez-vous un interlude plus intimiste, entrez dans l’esprit complexe de cet artiste tourmenté et laissez-vous embarquer dans son univers poétique.

Et comme il a dit lors d’une interview :

« I could put super impressive bars out right now and someone next week can do the same thing. It’s just a never-ending competition. But no one can tell my story. »

Chronique écrite par Bast, merci à lui !

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