SCHOOLBOY Q - BLANK FACE LP [CHRONIQUE]

SCHOOLBOY Q – BLANK FACE LP [CHRONIQUE]

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BLANK FACE LPNote

TDE’s DARK KNIGHT

Ce 4ème album sonne comme un aboutissement, un projet noir, violent et personnel, le potentiel réalisé d’un MC à part, instinctif, viscéral et imprévisible.


Sortie : 8 juillet 2016

BEST TRACKS : Groovy Tony / Eddy Kane, Kno Ya Wrong, Ride Out, By Any Means, Dope Dealer, JoHn Muir, Big Body, Str8 Ballin’, Tookie Knows II TOP TRACK
Groovy Tony / Eddy Kane JoHn Muir

Après les sorties décevantes de Jay Rock et Ab-Soul, le label TDE, qui se positionnait comme le crew le plus dangereux du game, ne semblait se résumer qu’à un seul homme : Kendrick Lamar.
Le messie du rap n’a même plus besoin de sortir des albums, quelques leftovers, pas de titre, pas de cover, le mec sort le projet rap de l’année !
C’était sans compter sur Groovy Q, de retour pour piquer la couronne et la revendre à bas prix dans les rues de Figg Street, « crippin » on his mini-bike !!

Q nous a manqué juste comme il faut, c’est la force de TDE, qualité avant quantité, certains rappeurs devraient en prendre de la graine, on s’en bat les couilles d’avoir des mixtapes de merde tous les mois si on a un album de dingue tous les deux ans.

Oxymoron était lourd, mais il avait ses défauts, défauts qui ont pris de l’ampleur avec le temps, c’est pour ça que mes chroniques ne valent pas grand-chose.
Avec le recul, le poids de la signature de Q sur un gros label a clairement desservi Oxymoron, une somme de bangers ultra efficaces qui a pris le pas sur la cohérence globale, une super-production beaucoup trop large, clinquante et compromise pour la personnalité insociable, sombre et expérimentale de Q, qui s’épanouit loin des lumières comme sur Habits & Contradictions, son meilleur projet à ce jour.
Blank Face a l’ampleur et les moyens d’Oxymoron avec l’authenticité et la singularité d’Habits & Contradiction.
Q apprend de ses erreurs, il perfectionne sa musique à chaque album et semble s’approcher un peu plus du classique à chaque fois, se forgeant, au passage, une des meilleures discographies du game.

Les gros bangers sont évidemment là, à commencer par les singles.
Malgré un beat d’un autre monde, THat Part n’est clairement pas le meilleur son de Q et bien que la vacuité du couplet de Kanye West nous fasse bien rire (ok, ok, ok, OKKAAAAAY !), il nous a autant lassé que cette dernière partie inutile :

K : j’ai une idée de génie : on met 2 minutes de plus de Kanye à la fin du morceau !
Q : Euh… Ok (j’imagine que j’ai pas trop le choix…)


On aurait clairement préféré le Black Hippy remix, pas grave, la version extended Groovy Q / Eddy Kane est incroyable, Jadakiss viole l’instru avec sa voix caverneuse avant une transition et une 2ème partie qui envoie le son sur une autre planète.

Ces transitions travaillées dans et entre les morceaux montrent la maturité musicale de Q, le sequencing est bien meilleur que sur Oxymoron, l’album s’écoute sans problème du début à la fin, les ambiances sont variées avec toujours cette noirceur en toile de fond.
Des morceaux plus expérimentaux succèdent aux bangers, le piano old school et les cuivres du brillant Kno Ya Wrong (Alchemist) viennent éteindre le brasier Groovy Tony. Le fantôme d’ODB hante certaines intonations du flow de Q avant qu’une nouvelle transition vienne à nouveau nous bousculer. Lance Skiiiwalker, nouvelle signature TDE, nous emmène du côté de To Pimp A Butterfly, l’influence du dernier album de Kendrick est claire, les beats sont moins cadrés, les instruments live sont beaucoup plus présents, notamment les guitares électriques sur la première partie de l’album, le profond Black Thought pourrait d’ailleurs directement sortir des sessions studio de TPAB.
À l’image d’un YG, Q a fait évoluer sa plume et n’hésite pas à s’engager lyricalement malgré un certain pessimisme :

Ain’t nothin’ changed but the change
Let’s put our brains away from gangs
Crips and Bloods the old and new slaves
Shit we even changed our names
Trying something, new shame while we bang
But yo, y’all ain’t hearin’ me
My homie facin’ life, told me that my pride my biggest enemy
But… you keep your eyes in that dark
Your mind, it greys your heart
I wrote these rhymes days apart
Most of us caught before we can expand our thoughts
How your grandmother see your corpse?
How your big homie make your life a book?
Left you for dead cause he ain’t need you, right
But I’m gon’ fade him, right
Let’s put the rags down and raise our kids
Let’s put the guns down and blaze a spliff


Une subversion que l’on retrouve dans le troublant Neva Change avec SZA, une chanson prémonitoire enregistrée des mois avant la vidéo de Philando Castile, abattu froidement par un policier :

“You see them lights get behind us
They pull me out for my priors
Won’t let me freeze before they fire
You say that footage a liar.”

Même sans couplet à proprement parler, l’influence de Kendrick est donc bien là, que ce soit lyricalement ou musicalement, les deux MCs se complètent comme le yin et le yang, avec en point d’orgue le planant By Any Means, sur lequel Kendrick Lamar assure la production et les chœurs au refrain, un background mélancolique qui m’a direct fait penser à ATLiens d’Outkast.
3ème extrait d’un mini-film très bien réalisé, By Any Means met en avant une autre qualité qu’Oxymoron n’avait pas : le côté visuel et cinématographique.


Musicalement, Q évolue donc dans le bon sens tout en restant en terrain connu, certes Blank Face est la première cover en couleur de Q mais ce qu’il préfère c’est toujours la noirceur, la même équipe (Sounwave, Tae Beast, The Alchemist, DJ Dahi…) est donc reconduite munie de son pinceau noir, à quelques exceptions près : Swizz Beatz nous surprend avec un beat soulful assez réussi, malgré des drums un peu douteux et cette obsession à vouloir absolument chanter…
Exit Pharrell, remplacé au même poste par Tyler, The Creator qui nous sort une prod digne de son idole, un C-Walk endiablé avec le Dogg Pound.
Exit Mike Will Made It, remplacé au même poste par Metro Boomin’ et Southside qui nous lâchent le What They Want version 2016, le genre de prod vicieuse et minimaliste que Q bouffe au petit déj’.
Anderson .Paak renvoie la pareille après l’excellent Am I Wrong et assure les parties chantées de l’intro et la title track, c’est toujours un plaisir d’entendre sa voix même s’il n’est pas présent sur les meilleurs sons, sérieusement le mec devrait signer chez TDE !
Le 2ème meilleur featuring après Kiss va à Vince Staples sur l’immense Ride Out, un troupeau d’éléphants qui te piétine la gueule ! L’alchimie entre les deux MCs est dingue et l’arrivée de Vince Staples mémorable, un album de ces deux mecs anéantiraient quelques carrières.

Classé par défaut dans « Gansta Rap », ScHoolboy Q vient évidemment de ce monde et ses lyrics en seront toujours le reflet, sa musique est en revanche beaucoup moins étiquetable. A l’inverse d’un Still Brazy qui reprend à la lettre les codes musicaux du genre, ScHoolboy Q est sans cesse dans l’expérimentation, ses influences sont d’ailleurs assez éloignées du son originel de la côte Ouest, mis à part les invités, rien de nous rappelle vraiment le soleil de Cali, on est plus en viré nocturne avec le bandana bleu et le AK.

La gang life est évidemment au centre de Blank Face et Q nous raconte comment les gangs ont pris la place de ses professeurs dans deux des meilleurs sons de l’album, John Muir, référence au nom de son école :

« Gang injunction tell me where we can’t go
Shoot me in my back because my afro »

Puis dans l’intense Str8 Ballin’, hommage à sa chanson préférée de 2Pac :

« The teachers ain’t teachin’ the judge taught us numbers
We was raised by single mothers
Pop once took us undercover
So in the streets we learned colors »

La prod et le refrain à la Mattew Santos m’ont d’ailleurs fait penser à The Cool, un de ses albums préférés. Comme Lupe, ScHoolboy Q doit composer avec les exigences de son label, on a suivi la polémique autour d’Overtime avec Miguel que le MC a présenté comme une « version bootleggée » de Studio que le label l’a forcé à mettre sur l’album, au final il s’agit d’une bonne chanson, pas si commerciale dans la forme, puisqu’elle garde cette noirceur fascinante, mais plutôt dans le contenu qui nous rappelle fortement Studio.
Il n’y a pas vraiment de son mixant aussi bien party et Gangsta Rap que Man Of The Year ou Hell Of A Night, les morceaux plus commerciaux sont d’ailleurs plutôt les moins bons, le refrain EDM de WHateva You Want ne restera pas comme la plus grande réussite de l’album, mais à la différence d’Oxy, ces morceaux ne perturbent en rien la dynamique globale.

ScHoolboy Q a présenté Blank Face comme l’album qu’il aurait voulu faire au début de sa carrière s’il en avait eu les moyens, malgré ces intrusions du label et quelques longueurs, ce 4ème album sonne effectivement comme un aboutissement, un projet noir, violent et personnel, le potentiel réalisé d’un MC à part, instinctif, viscéral et imprévisible, à l’image de cette dernière passe d’arme avec ses potes d’enfance sur un piano minimaliste sorti tout droit de The Infamous.


PS : ScHoolboy Q passe à Paris en novembre, cet album va être complètement dingue en live.

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