BLASSIC ??
Si t’es fan de The Chronic et Doggystyle, c’est l’album que tu vas le plus kiffer de ces dernières années, c’est un album G Funk comme on n’en fait plus, efficace, sans fioriture, direct et rempli de bangers.
Sortie : 17 juin 2016
BEST TRACKS : Don’t Come To LA, Who Shot Me?, Word Is Bond, Twist My Fingaz, I Got a Question, Why You Always Hatin?, She Wish She Was, Still Brazy, FDT, Blacks & Browns | TOP TRACK Who Shot Me? |
Still Brazy. J’ai direct’ repensé au passage dans Dope quand ils se foutent de la gueule du dealer, j’ai même hésité à écrire toute ma chronique en remplaçant les C par des B !
On connaît tous cette rivalité persistante entre les Bloods et les Crips qui va jusqu’à nier une lettre, cette guerre des gangs a quand même eu le mérite de donner naissance à un des sous-genres les plus importants du hip-hop : le Gangsta Rap.
Aujourd’hui devenu en quelque sorte ringard, remplacé notamment par le cancer qu’on appelle la « trap », le bon vieux G-Funk de Dre et cie nous manque.
C’est là où YG intervient :
« I’m the only one that made it out the West without Dre »
C’est vrai et très peu peuvent s’en vanter, même le prodige Kendrick Lamar a eu droit au stimulus package, sauf que ce n’est vrai qu’en surface, l’ADN musical de YG est en réalité profondément influencé par le docteur.
Still Brazy est un album Gansta Rap West Coast clairement assumé et ça fait du bien, il a fait ce que The Game n’a pas vraiment réussi à faire avec The Documentary 2.
A l’inverse de beaucoup de « spécialistes » hip-hop, je n’ai pas une énorme estime pour My Krazy Life, je trouve les beats de DJ Mustard surcotés, les mélodies simplistes et les séquences de drums toujours identiques, ça sonne très superficiel et bling-bling et on s’en lasse très vite.
YG est un rappeur moyen, ni très bon lyricalement, ni avec un flow incroyable, il n’a ni la voix de Snoop, ni le charisme d’Ice Cube, je n’attendais donc pas grand-chose de ce second album que j’ai failli ne pas écouter…
Comme je le pensais, la moutarde ne nous manque pas un seul instant, au contraire, on est dans la lignée sonique de My Krazy Life mais en beaucoup plus authentique. Toujours très inspirées du G-Funk des années 90, les productions reprennent les marqueurs du genre : lignes de basses qui te dévissent la tête, pianos, mélodies simples, synthés aigus caractéristiques et quelques touches de vocoder à l’ancienne comme dans le single Twist My Fingaz.
Niveau beats, on ne va pas y aller par 4 chemins, l’album est beaucoup trop bien produit. Généralement sur un LP on a deux trois gros sons qu’on va passer en soirée, là impossible de choisir tellement y’a de bangers, tu peux vraiment écouter le projet du début à la fin sans rien zapper et c’est assez rare pour être souligné.
YG est dans son élément, son flow est assez basique mais il est très en rythme et rebondit sur la basse, certes ce n’est pas un rappeur incroyable, personne ne le citera dans un top 10 mais il sait écrire de bonnes chansons, ce n’est pas juste un gangster, c’est aussi un rappeur et un songwriter, tous les refrains sont d’ailleurs très efficaces.
Lyricalement, YG n’a pas la poésie de Kendrick Lamar, le vocabulaire de Nas ou l’introspection de J. Cole, il n’a pas le temps de s’embarrasser avec tout ça, il va droit au but, ses lyrics sont une vision claire et limpide des ghettos californiens.
Le hip-hop a petit à petit perdu son rôle de projecteur social, aujourd’hui le contenu est très pauvre, si ça ne tient pas sur une danse bizarre ou quelques gimmicks, ça rappe sur qui est le meilleur, qui choppe le plus, les incroyables effets de la marijuana ou comment bouger son cul en soirée… c’est cette connerie superficielle qui domine les ondes – et le 1er album de YG – et ça fait du bien quand un jeune rappeur fait ce que les anciens faisaient et qui devrait toujours être présent – même à petite dose – sur un album rap. Je ne dis pas que le rap ça doit être que ça, on kiffe tous faire la fête, on a autant de plaisir à écouter Big Poppa que Kick In The Door mais il faut un équilibre et YG vient en quelque sorte l’apporter.
Alors certes, YG n’est pas un poète de la rue, mais YG est un vrai gangsta et son authenticité est ce qui le sépare de la masse des « studios rappers » d’aujourd’hui. Il garde d’ailleurs encore certains vices de son passé, comme cette misogynie toujours présente et toujours dominante dans le rap en 2016, mais même sur ce terrain glissant YG nous sort une putain de chanson, She Wish She Was, meilleur beat de l’album ??
En fait peu importe, on ne cautionne pas tous ses propos, on ne comprend pas pourquoi les ricains continuent de se prendre pour des cowboys avec leur guns, pourquoi les femmes sont traitées comme des objets, pourquoi ce style de vie violent et superficiel est glorifié par les rappeurs mais on s’en fout un peu. C’est comme quand on regarde un Scorsese, on est évidemment diverti mais on y croit aussi, on s’approche du danger assis dans son canapé, c’est une fenêtre directe sur une réalité, comme à la fin du clip de Vince Staples, et on s’attache même à ces gangsters parce qu’ils restent aussi humains que nous, ils sont juste le produit de leur environnement et mettent en lumière ses failles.
Guerre des gangs, violence, gunfight, sexe, argent facile, trahison, c’est cette vie qui a rendu YG si paranoïaque, le meilleur morceau de l’album, Who Shot Me, qui me fait penser à Many Men de 50 Cent, fait d’ailleurs référence au shooting de 2015 dans lequel YG a reçu plusieurs balles sans jamais connaître l’identité du tireur.
Toute cette violence caractéristique au Gangsta Rap est donc au centre de Still Brazy et renforce la couleur West de l’album mais là où YG nous surprend c’est qu’il va plus loin et a les couilles de s’engager politiquement comme peu de rappeurs le font aujourd’hui.
Le même mec qui a écrit Toot It & Boot It il y a un an a posé Fuck Donald Trump sur son album !
Il parle peut-être du prochain président des Etats-Unis – espérons que non –, du prochain mec le plus puissant du monde… Respect. Il s’attaque également aux violences policières et au racisme dans une fin d’album très subversive qui donne une nouvelle dimension au projet.
Malgré cette belle progression depuis My Krazy Life, je trouve toujours la musique de YG un peu superficielle, il me manque de la profondeur musicale et lyricale et je m’en lasse déjà assez vite.
YG ne me fait pas grand effet au mic, je le trouve moyen au mieux et je suis étonné qu’il ait réussi à sortir deux projets de ce niveau.
Ces reproches très subjectifs n’enlèvent rien à la qualité de Still Brazy et pourraient d’ailleurs s’appliquer à Doggystyle et The Chronic, deux énormes classiques que j’écoute finalement peu en dehors des soirées, on parle donc de goût, pour moi le G Funk c’est comme un gros burger, c’est putain de bon mais c’est gras et pas très fin, c’est pour ça que mon album préféré de la côté ouest est Doctor’s Advocate et que j’aime autant Kendrick et ScHoolboy Q.
Je ne sais pas si Still Brazy deviendra un classique, il est déjà encensé par la critique et il en a l’étoffe, pour ma part, je ne pense pas pour la simple et bonne raison que Still Brazy n’apporte rien de nouveau sous le soleil, ça a déjà été fait en mieux mais la qualité du rap actuel est tellement faible qu’on crie au classique au moindre album solide.
C’est clair que si t’es fan de The Chronic et Doggystyle, c’est l’album que tu vas le plus kiffer de ces dernières années, c’est un album G Funk comme on n’en fait plus, efficace, sans fioriture, direct et rempli de bangers. Alors certes YG n’est pas Snoop Dogg mais il a réussi en deux albums à s’installer comme une figure majeure de la côte ouest. Là où la team TDE a choisi d’expérimenter et de finalement s’éloigner du son originel de Cali, YG a pris le chemin inverse et a modernisé ce son qui nous a tant manqué.