O.C. & APOLLO BROWN – TROPHIES

O.C. & APOLLO BROWN – TROPHIES [CHRONIQUE]

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Le vinyle de Trophies est à chopper sur le shop ici.

TrophiesNote

DETROIT & NY SHINE

Après J. Dilla, on peut affirmer avec certitude qu’Apollo Brown est le nouveau beatmaker qui fait briller ce fantastique vivier rapologique qu’est Detroit, un orfèvre de la musique qui suit la lignée des grands producteurs new-yorkais en remettant le sampling boom bap au centre du beatmaking.

En se télescopant avec N.Y. et sa légende O.C., le projet qui en résulte ne pouvait que s’approcher de la perfection, lyricalement comme musicalement.

BEST TRACKS : The Pursuit, Prove Me Wrong, Nautica, Just Walk, Options TOP TRACK
Prove Me Wrong

 

« Le rap c’était mieux avant », « Hip-hop is dead », « The golden era is over »…
Tu fais parti de ces vieux cons qui pensent exactement ça ??
Parfait, comme moi tu vas respirer à l’écoute de cet album.

Bien sûr il ne s’agit pas de singer une époque révolue et ce n’est pas le sujet ici mais tout simplement de conserver l’essence d’un hip-hop qui se voulait authentique dans ses lyrics comme dans sa musique.

Tu sais ce que signifie « diggin in the crates » ?
Non, évidemment tu ne t’en souviens plus, aujourd’hui tu n’entends que des beats calqués sur un même modèle pathétique, la trap music et ses synthés sans âme qui reflètent des rappeurs au niveau lyrical proche du néant…

Laisse moi te rafraîchir la mémoire, « diggin in the crates » était – oui j’emploie le passé – la recherche du sample ultime, le vynil poussiéreux que t’as trouvé au fond de ce shop miteux et qui va donner naissance à « Represent »

« Diggin in the crates » c’est aussi la signification de l’acronyme d’un des collectifs les plus importants de NY, D.I.T.C.
Composé de rappeurs talentueux – Showbiz & A.G. –, d’autres un peu moins – Fat Joe –, de producteurs mythiques – Diamond D, Lord Finesse, Buckwild – ou encore d’une véritable légende – Big L –, il a contribué à renforcer le statut de New York comme bastion du rap et a livré nombre de classiques de la Golden Era (« Lifestylez Ov Da Poor And Dangerous », « Word…Life », « The Awakening »…).
Au milieu de cette dream team, un MC discret est devenu, grâce à une discographie des plus consistantes composée de son lot de classiques – « Word…Life » avec le fameux « Time’s Up », « Jewelz » – et de très bons albums – « Starchild » –, une véritable légende de l’underground et un pilier de la scène new-yorkaise.

Beaucoup ont critiqué l’année 2012 en terme de qualité, je ne suis pas d’accord, entre des perles indé – Honors English, Bro Ali, Sene, Blu… – et le festival du Black Hippy, j’ai eu ma dose de très bon son à écouter.
Mais si j’ai kiffé 2012 c’est surtout parce que New-York a fait un retour triomphant dans le rapgame grâce à ses vétérans, Nas et O.C., responsables de deux des projets les plus marquants de l’année.
N’enterrons pas trop vite les vieux surtout quand ce nouveau souffle si attendu n’arrive pas – non, ne me parle pas d’A$ap Rocky s’il te plait, Bada$$ si tu veux ! –.

O.C. & Apollo BrownSi O.C. semblait s’essouffler sur ses dernières sorties, c’est qu’il n’avait pas encore rencontré le génial producteur de Detroit, Apollo Brown.
Adepte des albums rappeur/producteur, j’aime quand une alchimie se crée entre un MC et un beatmaker pour donner naissance à des projets uniques et homogènes, c’est le cas ici.

Après une intro nous confirmant que quelques résistants font encore de la musique par passion… les doux craquements de vynil et les quelques notes de piano nous dévoilent un univers soulful construit autour de boucles mélodieuses et de drums puissants, la marque de fabrique du style Apollo Brown.
O.C. semble retrouver ses 20 ans dans le flow, l’écriture mais aussi dans les refrains qui sont en parfaite adéquation avec les productions.

Si « The Pursuit » nous annonce une écoute de qualité, « Prove Me Wrong » vous balance la première claque du skeud !
Un sample tout simplement divin, déjà utilisé dans le passé par Jay Dee, et ici sublimé par le producteur de Detroit.
Ce clavier mystique – si d’ailleurs quelqu’un sait de quel genre d’intrument il s’agit ou quel mélange de clavier/effet, ça m’aiderait bien ! – me rappelle le sample de « Represent » mais en plus mélancolique, une nostalgie accentuée par des violons lumineux.
Les lyrics d’O.C. font écho au beat et cimentent cette alchimie entre le MC et le producteur :

« If you could read my thoughts, what you’d discover is mind blowin’
Even when I’m asleep, my mind goin’
My subconscious stays alert, revealin’ the questions that answer otherwise that don’t know
See deception and truth be told
Yeah, set in my ways ‘till you prove me wrong. »

Apollo Brown semble vouloir légitimer son statut de producteur surdoué et ce projet l’a manifestement galvanisé : homogène et variée, puissante et touchante, street et mélodieuse, old-school dans le fond et moderne dans la forme, l’architecture musicale est d’une rare pureté et pue le hip-hop du début à la fin.
Son penchant pour les productions soulful et chaleureuses dans la lignée des 9th Wonder et RJD2 se retrouve dans l’utilisation fréquente de violons entrecoupés de samples vocaux.
Le touchant « Another One » est le premier de cette lignée Brownesque, « People » suit la même formule et permet à O.C. de lâcher quelques lyrics conscientes.
Encore un cran au dessus dans le délire soulful, le sublime « Formula » me rappelle le classique « Seasons » des Cunninlynguists ; suivi par une autre bombe du même acabit, « Options », parsemé d’un sample féminin qui vous filera des frissons.

Mais ne vous méprenez pas, le talent d’Apollo Brown ne se limite pas à ce seul registre, il est aussi capable de lâcher des sons minimalistes et menaçants, dans un style purement new-yorkais, comme le prouve le très lourd « Nautica » qui se place dans la lignée des productions les plus sombres de Primo « None Of Y’All Betta », « Society Is Brainwashed », « Nice », « S.O.S »… –.
Toujours en parfaite cohérence avec le beat, O.C. en profite pour revenir aux bases du rap East Coast : les lyrics. Il enchaîne métaphore sur métaphore et fait honneur à cette bombe.
Dans ce style plus musclé, on peut également citer le grandiloquent « The First 48 » qui à l’instar d’« Emperor Soundtrack » de Lupe pourrait être la bande son d’un roi qui part en guerre.

O.C. & Apollo BrownCet album tutoie la perfection grâce à cet équilibre entre sons streets et sons plus soulful et voit même ces deux styles se croiser sur l’énorme « Just Walk », un des sommets de l’album.

Si ce projet est une victoire éclatante, c’est aussi grâce à l’intelligence de l’orientation artistique choisie par le duo : tout en ressuscitant le souvenir d’un hip-hop qui nous était cher et qui se fait de plus en plus rare, O.C. et Apollo Brown ont fait beaucoup mieux qu’imiter le son des années 90, ils l’ont mis à jour.
En effet, de la qualité sonore à la complexité de certaines productions, le son distillé au fil de cet LP se veut old-school dans le fond mais résolument actuel dans la forme : le psychédélique « Angel’s Sing », sublimé par un superbe refrain, en est le meilleur exemple.
Le planant « Signs » est également a classé dans ce registre néo hip-hop repris par les jeunes producteurs comme Harry Fraud ou Cardo.

L’écoute se conclut aussi bien qu’elle a commencée avec deux dernières pépites, « Caught Up » amène un doux vent de mélancolie avant de finir en apothéose sur le « Fantastic » dernier titre qui permet à O.C. de se confesser sur ses déceptions et erreurs de parcours, un chef d’œuvre qui clôt un album maîtrisé du début à la fin.

Malgré un quasi sans fautes donc, on peut tout de même reprocher une certaine lourdeur sur quelques productions comme sur le redondant « Disclaimer » ou l’écrasant « People’s Champ » qui en plus d’un bip insupportable nous balance un gros sample de M.O.P dans la gueule !!
Mais ne chipotons pas, il s’agit tout de même là de deux très bons sons, simplement un poil en dessous du niveau très élevé des autres tracks.
Autre petit point négatif, le flow d’O.C. peut s’avérer un peu monotone au fil de l’écoute, d’autant plus qu’aucun featuring n’est présent sur l’album, mais pas de quoi ternir la qualité générale du skeud… on ne parle pas de Skyzoo !

Après J. Dilla, on peut affirmer avec certitude qu’Apollo Brown est le nouveau beatmaker qui fait briller ce fantastique vivier rapologique qu’est Detroit, un orfèvre de la musique qui suit la lignée des grands producteurs new-yorkais en remettant le sampling boom bap au centre du beatmaking.
En se télescopant avec N.Y. et sa légende O.C., le projet qui en résulte ne pouvait que s’approcher de la perfection, lyricalement comme musicalement.

À coup sûr dans le top 10 de l’année 2012… le meilleur album ?
C’est possible, attends mon classement Top 2012, il arrive.

P.S. : Merci à mes potes Cyril et Primo de m’avoir fait découvrir ce bijou !
(Je t’ai mis dans la même phrase que DJ Premier !)

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